Belgique - Musée - Politique

POLITIQUE CULTURELLE

Tempête dans la culture en Belgique

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 7 décembre 2019 - 636 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

De nombreuses et sévères coupes budgétaires sont annoncées.

Plus de 200 structures, dont le centre d'art contemporain Wiels à Bruxelles, vont connaitre une baisse de 6% de leurs ressources de fonctionnement. © Photo Marc Wathieu, 2008, CC BY-SA 2.0.
Plus de 200 structures, dont le centre d'art contemporain Wiels à Bruxelles, vont connaitre une baisse de 6% de leurs ressources de fonctionnement.
Photo Marc Wathieu, 2008

Alors que la Belgique connaît un vide gouvernemental au niveau fédéral depuis les dernières élections de juin 2019, le parti nationaliste et séparatiste de la N-VA (parti flamand très largement majoritaire en Flandre et en forte progression à Bruxelles) se montre très offensif. Le chef de ce parti, Jan Jambon, ministre-président et ministre de la Culture de la communauté flamande depuis octobre 2019, a publié, vendredi 8 novembre, une note annonçant des restrictions du budget alloué par la Flandre à la culture (toutes disciplines confondues). Un décret doit être voté mi-décembre et les mesures seront appliquées dès le mois de janvier prochain.

Cette annonce a fait l’effet d’une bombe et a très vite déclenché de vifs débats. Mardi 12 novembre au soir, comédiens, danseurs, plasticiens, directeurs d’institutions se sont rassemblés au Beursschouwburg de Bruxelles. Jeudi 14, certaines institutions comme le Smak à Gand ou Argos à Bruxelles fermaient leurs portes en signe de protestation. Vendredi 15 au matin, un autre rassemblement s’organisait devant le Parlement flamand où les mesures devaient être discutées. Sophie Alexandre, co-directrice du Kunstenfestivaldesarts s’insurge contre une « décision [qui] n’a fait l’objet d’aucune concertation. Prise unilatéralement, elle relève d’une totale méconnaissance du secteur culturel dont elle sape la dynamique. »

Le coup le plus dur sera porté aux possibilités pour les artistes résidant en Flandre ou à Bruxelles d’obtenir une aide financière pour réaliser leurs projets. « La priorité est donnée à la sélection en fonction du potentiel pour atteindre un niveau international. Une sélection plus sélective devrait également conduire à un meilleur soutien », justifie Jan Jambon. Une baisse de 60 % est annoncée. Les aides passeront ainsi de 8,47 millions d’euros, cette année, à 3,39 millions en 2020. Dans une lettre ouverte publiée dans le magazine Hart, l’artiste Luc Tuymans dit sa colère : « Comment pouvez-vous faire fonctionner la culture si vous la tuez dans l’œuf ? Le patrimoine de demain deviendra donc une boîte vide. À long terme, cela signifie aussi la mort des musées. Aujourd’hui, les artistes n’ont pas la possibilité d’expérimenter, de développer un projet lentement. Pour la jeune génération, c’est dramatique. »

Les subventions de fonctionnement des structures d’art (centres d’art, théâtres…) seront quant à elle réduites de 6 %. Plus de deux cents structures sont concernées. La plupart sont situées en Flandre, mais Bruxelles est également touchée, à travers le Wiels, le Kunstenfestivaldesarts, le Théâtre national flamand ou le centre d’art Argos qui va devoir procéder à « un arbitrage entre réduire son personnel et renoncer à certains projets », selon son directeur Niels van Tomme. Le réseau socio-culturel va se trouver particulièrement fragilisé. Une faveur est cependant accordée à sept institutions de la communauté flamande, dont notamment les grandes salles de spectacle que sont le Kunsthuis d’Anvers, l’Ancienne Belgique à Bruxelles ou le Vooruit à Gand. La baisse de leur budget de fonctionnement ne sera que de 3 %.

Le patrimoine épargné

Quant aux musées, l’incertitude plane encore. Dédiés à l’art contemporain ou à l’art ancien, ces derniers appartiennent à la sphère du patrimoine et des archives que le gouvernement considère comme « l’ADN de notre société » et qu’il souhaite donc renforcer pour promouvoir l’identité flamande. Pour l’heure, ont été annoncées des évolutions budgétaires positives pour le Bokrijk-Crafts (village flamand reconstitué comme au temps de Brueghel) et le site patrimonial Alden Biesen, de même que pour le Fonds flamand de l’audiovisuel qui soutient le secteur cinématographique flamand, et Flanders Literature pour le secteur littéraire flamand.

Le directeur du Musée d’art contemporain de Gand (le Smak), Philippe van Cauteren confie : « Je suis très inquiet, pas seulement d’un point de vue budgétaire, mais aussi au niveau idéologique. Le ministre parle des grands maîtres flamands, de l’excellence flamande. Il est question de construire un musée de l’identité flamande. Son point de vue vise clairement à une instrumentalisation de la culture. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°534 du 29 novembre 2019, avec le titre suivant : Tempête dans la culture en Belgique

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