Rétrospective

RÉTROSPECTIVE 2022

La culture en 2022, d'une guerre à l’autre

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 28 décembre 2022 - 3935 mots

La « fête » post-Covid n’aura pas duré longtemps. La guerre en Ukraine, avec ses conséquences sur les populations locales et les effets en cascade sur l’économie mondiale, a éteint les lampions. Malgré tout, la vie culturelle est restée active.

Civils ukrainiens organisant la protection du monument à la Princesse Olha à l'aide de sacs de sable à Kiev, le 28 mars 2022. © Kyiv City State Administration / Oleksiі Samsonov, CC BY 4.0
Civils ukrainiens organisant la protection du monument à la Princesse Olha à l'aide de sacs de sable à Kiev, le 28 mars 2022.

Monde. La planète (hormis la Chine, lire p. 28) commençait à peine à sortir de deux années épouvantables de crise sanitaire qu’elle apprenait avec stupéfaction l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Tout avait pourtant bien commencé, confinement et passe sanitaire étaient derrière nous, la vaccination réduisait le risque de formes graves et il y avait une telle volonté de rattraper le temps perdu que la machine économique était en surchauffe, au point que l’on faisait un parallèle avec les Années folles de l’entre-deux-guerres. Et puis, animé d’une volonté de revanche (après la dislocation de l’URSS ?), Vladimir Poutine lançait ses troupes au nord et à l’est de l’Ukraine. Mais très vite les Ukrainiens ont fait preuve d’un courage et d’une détermination exceptionnels, parvenant à repousser les assauts après les premières pertes territoriales. À cette heure, les positions sont globalement figées malgré quelques spectaculaires reconquêtes par l’armée de Volodymyr Zelensky.

L’impensable s’était donc produit, un conflit de haute intensité au cœur de la vieille Europe, ravivant la menace nucléaire avec son cortège de morts et de scènes de désolations. Et, contrairement aux dernières guerres en Europe (dans les Balkans), celle-ci a eu des conséquences immédiates sur le reste du monde, difficulté d’approvisionnement en blé, pénuries de gaz et d’électricité, inflation galopante, récession rampante. À l’approche de l’hiver, les lieux culturels, pénalisés par la hausse en flèche des prix de l’énergie, doivent absorber ces surcoûts dans leurs budgets. Certains comme les musées de Strasbourg ont décidé de fermer leurs portes en pointillé, non sans provoquer l’émoi de la communauté muséale.

Anniversaires historiques

Comme dans le cinéma, où les grandes productions hollywoodiennes ont été retardées en raison des reports de tournage mais aussi du lent retour des spectateurs dans les salles, le calendrier des expositions affichait peu de « blockbusters » avant le retour des manifestations internationales d’art contemporain (lire p. 27). Les commémorations nationales ont cependant permis d’animer cette programmation. Montent sur le podium des festivités : Molière (400e anniversaire de sa naissance) ; Proust (centenaire de sa mort) ; et Champollion dont on a célébré partout en France le déchiffrement des hiéroglyphes en 1822. 1822, c’est aussi la naissance de Rosa Bonheur qui a bénéficié d’un come-back peut-être un peu excessif. Versailles a profité de l’anniversaire du sacre de Louis XV à Reims (1572) pour montrer le roi sous un jour différent. En revanche, le bicentenaire de la naissance du graveur Rodolphe Bresdin et du duc d’Aumale (également en 1822), ou le cinq-centenaire de la mort de François Clouet (1572) n’ont pas suscité de ferveur particulière. Quant au Festival Normandie impressionniste, il préfère célébrer le cent-cinquantenaire de l’impressionnisme en 2024 (avec la première exposition du groupe), plutôt que l’anniversaire d’Impression, Soleil Levant peint en 1872 par Claude Monet.

La politique culturelle a été ralentie par la campagne de l’élection présidentielle française, marquée par la réélection d’Emmanuel Macron sur un programme particulièrement mince, notamment dans le domaine culturel. La grande surprise dan les nominations de l’année est l’arrivée de Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation nationale alors qu’il était, depuis peu, directeur du Palais de la porte Dorée. Quelque temps avant, Alexia Fabre, alors directrice du Mac/Val (Musée d’art contemporain du Val-de-Marne) à Vitry-sur-Seine avait été annoncée aux Beaux-Arts de Paris tandis que Claire Bernardi prenait la direction du Musée de l’Orangerie et que la présidence du Palais de Tokyo revenait à Guillaume Désanges. Quelques mois après son arrivée Rue de Valois (p. 26), Rima Abdul Malak proposait à Yannick Lintz, alors à la tête du département des Arts islamiques du Louvre, la direction du Musée Guimet, succédant à Sophie Makariou qui n’a pas encore trouvé de point de chute. Le même jour était annoncé le transfert au Mucem à Marseille d’un proche de Brigitte Macron, Pierre-Olivier Costa. Enfin Hervé Lemoine a été chargé de réfléchir aux synergies issues de la fusion entre le Mobilier national qu’il préside et la Cité de la céramique-Sèvres et Limoges dirigée temporairement par Irène Basilis.

À contre-courant des soubresauts de la planète, le marché de l’art est en pleine forme. Les ventes publiques continuent leur folle ascension, marquées par la dispersion de la collection Paul Allen (p. 28), tandis que les foires ont retrouvé leurs collectionneurs. Enfin pas toutes : en France, la Fiac a été évincée par une toute nouvelle édition française d’Art Basel (p. 28). Le marché des NFT, lui, commence à battre de l’aile après avoir atteint des sommets spéculatifs vertigineux (p. 25).

L’année a enfin été endeuillée par de nombreuses disparitions dans le monde de l’art (p. 29), dont celle de Pierre Soulages, qui a eu les honneurs d’un hommage national. Ses tableaux ont (pour l’instant ?) été épargnés par la vague d’attaques de militants écologistes dans les musées (p. 26). Pour contestables que soient ces actions, elles rappellent que le réchauffement climatique a maintenant des conséquences dans la vie de tout un chacun.

24 février - Début de l’invasion russe en Ukraine

Ukraine. Massées aux frontières depuis plusieurs semaines, les troupes russes sont entrées en Ukraine le 24 février. Cette attaque soudaine accompagnée de bombardements a provoqué la fuite de 3 à 4 millions d’Ukrainiens, dont des milliers d’artistes. Dès les premiers jours du conflit, les musées ont tenté de protéger leurs collections, avec l’aide de l’Unesco, de la fondation genevoise Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit) et de plusieurs musées internationaux. Mais les musées de Kharkiv et des provinces du Donbass ont souffert d’un usage massif de l’artillerie, tandis que ceux de Kiev et de Lviv étaient relativement épargnés. En mai, la ville de Marioupol tombait aux mains des Russes, après des combats acharnés et des bombardements aériens : outre plusieurs milliers de morts, la bataille pour Marioupol a entraîné la destruction de 90 % des infrastructures et des bâtiments selon les autorités ukrainiennes.

À l’automne, les forces ukrainiennes ont entamé la reconquête des villes, dont Kherson fin octobre, mettant ainsi au jour de nombreux pillages de biens culturels dans les musées et collections privées. Une base de données du ministère ukrainien de la Culture a permis aux autorités de suivre l’évolution des atteintes au patrimoine, qui se comptent par centaines. Plusieurs sites mémoriels ont également été vandalisés ou détruits, en particulier des sites de la Seconde Guerre mondiale. En novembre, les musées de Crimée (sous occupation russe depuis 2014) ont commencé à évacuer leurs collections vers la Russie, en prévision d’une offensive ukrainienne annoncée pour le mois de décembre. Dans le même temps, les musées d’Odessa recevaient une aide d’urgence de l’Unesco, et la ville voyait sa candidature au Patrimoine mondial être reçue positivement par le Comité chargé des inscriptions sur cette liste.

Olympe Lemut
28 février - Promulgation de la loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art

France. Et de trois. Après la loi de libéralisation des ventes aux enchères publiques de juillet 2000, puis celle de 2011, une nouvelle réforme du secteur des ventes volontaires a vu le jour cette année – après cinq années de négociations et une proposition de loi déposée en février 2019 devant le Sénat. Au programme de cette nouvelle législation venant moderniser certaines règles devenues obsolètes : une refonte du Conseil des ventes volontaires (CVV) – rebaptisé « Conseil des maisons de vente » – avec en son sein une majorité de professionnels (six sur onze membres contre trois auparavant) ; un élargissement de ses missions ; la création d’un organe disciplinaire indépendant, mais aussi une formation continue rendue obligatoire pour les futurs commissaires-priseurs. La loi prévoit également un élargissement des compétences des maisons de ventes aux inventaires fiscaux ainsi qu’aux ventes « surveillées » (tutelles), tandis que le régime légal des ventes aux enchères de meubles est étendu aux meubles incorporels.

Marie Potard
5 avril - Le bitcoin entraîne les NFT dans sa chute

Monde. Après avoir joué les montagnes russes tout au long de l’année, avec un plus haut à 61 539 dollars (54 500 €) en novembre 2021, la valeur du bitcoin avait fortement chuté au début de 2022 avant de se reprendre. Mais en avril, la panique commence à s’emparer des possesseurs de cryptomonnaies, et le bitcoin ne cesse de chuter depuis pour atteindre 17 300 dollars (16 400 €) début décembre, entraînant dans son plongeon toutes les autres cryptomonnaies dont l’ether. Or l’ether est la devise préférée des spéculateurs de NFT, de sorte que mécaniquement le marché des NFT s’effondre aussi. Alors qu’en janvier les ventes de NFT avaient atteint 1,7 milliard de dollars au total, elles n’étaient plus que de 466 millions de dollars à la fin de l’année. À cet « effet devise » s’ajoute une baisse en volume, consécutive à une inquiétude croissante à l’égard de tous les actifs immatériels. Et la situation ne devrait pas s’arranger, la faillite retentissante en novembre de FTX, la deuxième plus grande plateforme d’échange de crypto-actifs, comparable à la faillite de Lehman Brothers en 2008, fragilise un peu plus un marché hautement spéculatif.

Jean-Christophe Castelain
23 avril - Venise ouvre le bal des « Biennales » d’art

Venise, Cassel, Lyon. Le Covid ayant bousculé le calendrier, trois importantes manifestations d’art contemporain se sont tenues à peu près en même temps. C’est l’historique Biennale de Venise qui ouvrait la première ses (nombreuse)s portes. En phase avec l’esprit du moment, l’Exposition internationale, dirigée par Cécilia Alemani, accueillait 80 % d’artistes femmes et faisait la part belle à des travaux fortement inspirés des pratiques artisanales d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Dans les Giardini, le pavillon français, habilement habité par Zineb Sedira, tranchait avec l’austérité de nombreux autres pavillons nationaux. Cette Biennale a en tout cas fait le plein avec un record de 900 000 visiteurs.

À mille lieues de l’ambiance vénitienne, la 15e édition de la Documenta de Cassel, qui se tient tous les cinq ans, a été agitée par des accusations d’antisémitisme concernant une œuvre. Les choix très politiques de la direction artistique confiée au collectif indonésien Ruangrupa ont alors été relégués au second plan. Celui-ci a fait appel à d’autres collectifs d’artistes, non occidentaux, donnant plus à voir le processus d’une recherche communautaire appelée à questionner les « dynamiques de pouvoir » que le résultat de ces travaux. Une démarche en cascade que la Biennale de Lyon avait elle aussi expérimenté en 2007. Mais pour cette édition, cette dernière a sagement fait appel aux commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrath qui ont su agencer intelligemment l’espace ingrat des usines Fagor.

Jean-Christophe Castelain
12 mai - Succès populaire pour la réouverture du Musée de Cluny

Paris. En 2011, c’était un simple chantier de mise en accessibilité qui était envisagé. Dix ans plus tard, le grand chantier de « Cluny 4 » a relevé le défi de rendre accessibles l’ensemble des espaces de ce labyrinthe patrimonial, mais il a également refondu l’identité et la scénographie des lieux. Exit le musée des arts et techniques, Cluny embrasse désormais sa vocation de Musée national du Moyen Âge : un virage déjà entamé lorsqu’il s’était délesté de ses collections Renaissance parties pour le nouveau musée d’Écouen (Val-d’Oise) dans les années 1970. Mais le public sera-t-il au rendez-vous ? Les longues files d’attente qui se formaient à la mi-mai devant l’ancien hôtel des abbés de Cluny donnaient déjà la réponse. Et, deux mois après la réouverture, le musée enregistrait plus de 40 000 visites. Un succès largement imputable à une campagne de communication modernisée, qui a mis à contribution des influenceurs sur les plateformes YouTube et Instagram pour toucher le jeune public. Dans le mille : au début de l’été, un quart des visiteurs avaient moins de 25 ans.

Sindbad Hammache
20 mai - Rima Abdul Malak, nouvelle ministre de la Culture

Paris. Emmanuel Macron, réélu à la présidence de la République, aura mis trois semaines pour désigner une nouvelle Première ministre (Élisabeth Borne), qui annonce quelques jours plus tard la composition de son gouvernement. Roselyne Bachelot doit céder le portefeuille de la Rue de la Valois à la jeune (43 ans) conseillère culture du président. Rima Abdul Malak a fait ses classes à la Mairie de Paris puis à l’ambassade de France à New York en tant qu’attachée culturelle. Le président lui a fait un autre cadeau en augmentant le projet de budget 2023 de son ministère de 7 %. Six mois après sa nomination, la protégée du président est encore peu connue du grand public, elle n’a pas subi de tempête particulière et n’a pas non plus crevé l’écran. Les professionnels la connaissent mieux ; très présente sur le terrain, elle est d’un abord simple et naturel et ses rares passages dans les médias montrent qu’elle connaît ses dossiers. Un signe : Emmanuel Macron ne lui a toujours pas trouvé de remplaçante à l’Élysée.

Jean-Christophe Castelain
26 mai - L’« affaire » France-Muséums

Paris. C’est à la suite de la mise en examen de Jean-Luc Martinez qu’est révélée dans la presse l’enquête en cours sur un vaste trafic d’antiquités issues du Moyen-Orient. Il est reproché à l’ancien président-directeur du Louvre, au titre de membre de la commission d’acquisition de l’Agence France-Muséums pour le compte du Louvre Abu Dhabi, d’avoir « fermé les yeux » sur la provenance douteuse de certaines pièces archéologiques acquises par les Émiratis. L’enquête du juge Gentil, lequel a depuis changé de poste, a été confiée à l’Office central de répression de trafic de biens culturels (OCBC). Elle prend sa source dans la vente en 2017 d’un sarcophage égyptien sorti illégalement d’Égypte (restitué en 2019, voir ill.). Puis, en juin 2020, le juge d’instruction interpelle cinq figures du marché parisien en lien avec cette affaire et les acquisitions du Louvre Abu Dhabi, avant une mise en examen qui surprend tout le monde. Les enquêteurs se sont intéressés à six pièces archéologiques dont une stèle de 1,60 m de hauteur, datée de 1327 av. J.-C., qui reproduit la promulgation d’un décret royal par Toutânkhamon. Mais en novembre, nouveau coup de théâtre, l’avocat général requiert l’annulation de sa mise en examen ainsi que celle de Jean-François Charnier, ex-cadre de France-Muséums, estimant qu’il n’existe pas d’indices graves et concordants justifiant les poursuites. On saura le 3 février 2023 si la chambre d’instruction va suivre les réquisitions du parquet. Plusieurs antiquaires sont mis en examen dans cette affaire.

Jean-Christophe Castelain
29 juin - L’art éclaboussé par les militants écologistes

Grande-Bretagne. Ils ont commencé modestement, en engluant leurs mains au cadre d’un paysage signé Horatio McCulloch et présenté à la Kelvingrove Art Gallery de Glasgow (Écosse), le 29 juin. Dans les jours qui ont suivi, les militants du mouvement Just Stop Oil se sont rapidement attaqués à de plus gros poissons : un Van Gogh de la Courtauld Gallery (Londres), un Turner de la Manchester Art Gallery, La Charette de foin de John Constable à la National Gallery (Londres) le 4 juillet. Après une accalmie, ce sont des icônes de l’art occidental qui sont visées à l’automne (les Meules de Claude Monet, les Tournesols de Van Gogh ou encore la Jeune fille à la perle de Vermeer), avec cette fois un modus operandi plus salissant : les militants renversent de la soupe ou de la purée sur ces chefs-d’œuvre protégés par une vitre. Pour ces activistes luttant contre l’exploitation des énergies fossiles, l’objectif est de créer une image virale en capitalisant sur l’aura des œuvres visées pour faire entendre leur message. Le contrat n’est qu’à moitié rempli : si tout le monde connaît désormais leurs chasubles orange, leurs actions ont surtout donné lieu à des controverses animées sur le rôle des musées et la légitimité de l’action militante.

Sindbad Hammache
8 juillet - Druet débouté contre Cattelan

Paris. La décision était très attendue car susceptible de remettre en cause le droit d’auteur entre l’artiste et les « fabricants » de ses œuvres. Ici le sculpteur Daniel Druet, qui avait réalisé neuf sculptures en cire entre 1999 et 2006 pour le compte de Maurizio Cattelan, revendiquait la titularité des droits à titre exclusif et réclamait des dommages et intérêts à la Galerie Perrotin et à la Monnaie de Paris, qui avait exposé l’artiste italien en 2016. Des dommages et intérêts à la mesure de la célébrité de La Nona Ora (voir ill.) ou de Him (Hitler en petit garçon). L’assignation date de 2018. Mais si Druet a été débouté de ses demandes, c’est pour une question de procédure. Pour une raison inexplicable, il demandait non seulement la titularité exclusive des droits sans en reconnaître aucun à Cattelan, mais il ne poursuivait pas directement l’artiste mais son galeriste parisien. Les juges du Tribunal de Paris mentionnent cependant quelques considérants dont Cattelan pourra se prévaloir lors d’une éventuelle suite judiciaire. Ils relèvent en particulier que les œuvres ont été « divulguées » sous le seul nom de « Cattelan » et que la « mise en scène » des œuvres relève d’une certaine façon de l’œuvre.

Jean-Christophe Castelain
28 juillet - Cathédrale Notre-Dame : cap sur 2024

Paris. « Nous sommes assez confiants pour que l’année 2024 soit l’année d’aboutissement d’une grande partie du chantier, en tout cas de l’ouverture de la cathédrale au culte et au public » : en visite sur le chantier de Notre-Dame le 28 juillet, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak pariait, optimiste, sur l’année olympique. Quelques jours plus tôt, le général Jean-Louis Georgelin, président de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de l’édifice, préférait affirmer par la négative dans un entretien au Figaro : « Rien ne permet de dire que l’objectif 2024 ne sera pas tenu. »

Au début de l’automne, la Cour des comptes valide à son tour la crédibilité d’une fin de chantier dans deux ans… non sans pointer le manque de préparation inquiétant des acteurs publics dans la perspective d’une réouverture des lieux à 14 millions de touristes. Le point d’étape de fin d’année est lui aussi rassurant : avec une première voûte en pierre reconstruite, l’atelier de sculpture installé et opérationnel, les cintres en bois prêts à supporter la voûte de la croisée du transept, le chantier se poursuit à un rythme très soutenu.

Sindbad Hammache
12 septembre - La bibliothèque Richelieu pour tous

Paris. La capitale inaugure en ce début septembre une nouvelle salle de lecture. Pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de la salle Ovale, joyau XIXe du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Après avoir ouvert en 2017 une première moitié du quadrilatère Richelieu aux chercheurs et étudiants de l’Institut national d’histoire de l’art, la deuxième phase du chantier s’achève enfin après onze ans de travaux et 260 millions d’euros investis. Cette seconde moitié du quadrilatère niché au cœur du 2e arrondissement de Paris est entièrement dévolue au grand public, en transformant la salle Ovale en une salle de lecture publique : lycéens venus bachoter et lecteurs de bande dessinée se l’étaient appropriée quelques heures après son ouverture. C’est aussi un musée exceptionnel qu’abrite désormais le quadrilatère, rendant visibles les trésors de la BNF : la collection archéologique du duc de Luynes, le trésor de Berthouville ou les fresques de Romanelli dans la galerie Mazarin. Avec un abonnement annuel pour la bibliothèque et musée à 24 euros (15 € tarif réduit), la BNF tient sa promesse d’un lieu accessible à tous.

Sindbad Hammache
18 octobre - Ouverture de « Paris+ par Art Basel »

Paris. Tout est allé très vite. En décembre 2021, la RMN-Grand Palais, présidée par Chris Dercon, lance un appel à propositions pour l’occupation du Grand Palais aux dates de la Fiac et de Paris Photo en 2022, remettant ainsi concurrence les deux foires parisiennes historiques. Après une campagne de presse maladroite de leur organisateur RX France, la RMN-GP renouvelle la location de ses espaces à Paris Photo mais évince la Fiac au profit de l’organisateur d’Art Basel, une décision bien accueillie par les grandes galeries. Clément Delépine, le directeur de la nouvelle foire, promet une édition très ancrée dans la capitale mais plus largement ouverte aux enseignes internationales, favorisant les atouts culturels de la France (mode, design, cinéma) et organisée « à la suisse ». À l’automne, le contrat est rempli à l’exception du « pont entre les différents secteurs culturels » vanté par Marc Spiegler, le directeur mondial d’Art Basel. Les allées sont noires de monde, Emmanuel Macron est venu en personne, les ventes sont euphoriques, les galeries, satisfaites, et rendez-vous est pris pour la deuxième édition l’an prochain de Paris+ par Art Basel. Mais sans Chris Dercon et Marc Spiegler qui ont décidé de voguer vers d’autres cieux.

Jean-Christophe Castelain
26 octobre - Décès de Pierre Soulages à 102 ans

Paris. « La Nation porte le noir du deuil mais Pierre Soulages nous a appris à y déceler la lumière », a dit le président de la République devant son cercueil lors de l’hommage national qui lui est rendu dans la Cour carrée du Louvre le 2 novembre. La disparition du peintre quelques jours auparavant avait suscité une grande émotion, tant on le croyait éternel. Le plus grand peintre contemporain français selon certains avait déjà reçu tous les honneurs de la France : un musée à son nom à Rodez en 2014, d’innombrables expositions, la commande de vitraux pour l’abbaye Sainte-Foy de Conques, la grand-croix de la Légion d’honneur en 2016, une rétrospective au Louvre pour ses 100 ans… « Soulages entre dans l’histoire », titrait le Journal des Arts dans son édition spéciale du 4 novembre (no 598).

Jean-Christophe Castelain
9 et 10 novembre - La collection Paul Allen dépasse le milliard aux enchères

New York. Avec 1,62 milliard de dollars (quasiment l’équivalent en euros) récoltés en 154 lots, la dispersion de la collection du cofondateur de Microsoft est devenue la collection privée la plus chère jamais vendue aux enchères. Elle dépasse ainsi les collections Macklowe (922 M$), Rockefeller (832 M$) ou encore Yves Saint Laurent et Pierre Bergé (484 M$). À la tête d’un empire – sa fortune était estimée à plus de 20 milliards de dollars –, l’ex-associé de Bill Gates a pu rassembler en moins de trois décennies une collection qui comptait de nombreux chefs-d’œuvre. Aussi, tout au long des deux vacations, 27 records d’artistes, et non des moindres, ont pu être enregistrés. Une toile pointilliste, Les Poseuses, ensemble (Petite version) (1888, [voir ill.]), de Georges Seurat, s’est envolée à près de 150 millions de dollars (144,8 M€), quand La Montagne Sainte-Victoire (1888-1890) de Paul Cézanne a atteint 137,8 millions de dollars (133,7 M€) et que Verger avec cyprès (1888), de Van Gogh, a été emportée à 117,2 millions de dollars (113, M€).

Marie Potard
27 novembre - En Chine, une année de confinement culturel

Chine. « Démocratie ! », « Liberté d’expression ! », « Xi Jinping démission ! » Ce 27 novembre, sur les marches de l’université Tsinghua de Pékin, celle des élites et du parti, la manifestation de mécontentement contre la politique « zéro Covid », point d’orgue des éruptions de colère survenues à travers le pays, traduit l’exaspération d’une grande partie du peuple chinois, épuisé par deux années d’une stratégie anti-Covid dont l’absolutisme a viré à l’absurde. Traçage sanitaire, tests PCR à répétition, liberté de mouvement entravée, confinements extrêmes : les jeunes Chinois en particulier, de leur aveu même, n’en peuvent plus. Symbole de cette frustration généralisée, la Chine est l’unique pays au monde à avoir fermé durant de longs mois, en 2022, ses institutions culturelles. Des musées muselés, fermés, et des galeries d’art qui, parfois, ont mis la clé sous la porte. À Shanghaï, les musées ont certes rouvert, mais avec des restrictions qui compliquent ou empêchent la tenue des expositions. La force d’attractivité et le soft power de Shanghaï sont en berne. Un confinement culturel synonyme aussi d’ennui mortel.

Michel Temman

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°601 du 16 décembre 2022, avec le titre suivant : La culture en 2022, d'une guerre à l’autre

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