Laëtitia Ouakil, responsable missions en accessibilité Interface Handicap

Laëtitia Ouakil, responsable missions en accessibilité Interface Handicap

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 2009 - 994 mots

Laëtitia Ouakil est responsable missions en accessibilité au sein de l’association Interface Handicap.

Créée en 2006, cette association œuvre pour l’égalité d’accès à l’enseignement, à l’emploi et à la culture des personnes en situation de handicap. Ses missions consistent à informer, conseiller, former et assister les personnes handicapées et les professionnels, dans le cadre de la législation en vigueur. De nombreux établissements culturels ont recours à ses compétences, comme, à Paris, la future Philharmonie de Paris, le Musée Guimet ou la Bibliothèque nationale de France, mais aussi le Pôle international de la préhistoire (Les Eyzies), les dix-huit sites de la Mission Val de Loire-Patrimoine mondial ou encore le Centre des monuments nationaux. À l’occasion des Journées du patrimoine consacrées cette année à ce thème, Laëtitia Ouakil dresse pour Le Journal des Arts un état des lieux de la question de l’accessibilité dans les monuments historiques.

Que pensez-vous du choix du thème de cette année, « Un patrimoine accessible à tous » ?
Cela marque un « cap » et le temps d’un premier bilan, en écho avec une volonté politique forte d’inclure la demande des publics handicapés au centre des préoccupations. C’est par ce type d’événementiel que la prise de conscience continue à se généraliser – il est grand temps, au regard du retard à combler de la part de la France sur le sujet, à l’inverse de nos voisins espagnols ou italiens, y compris en matière de communication. Pour vous donner un exemple, sur le site officiel de la manifestation (1), il y a bien la possibilité de référencer les sites avec accès ou non aux personnes handicapées. Mais il n’y a pas de traduction des présentations en langue des signes française, ni de possibilité d’accès à l’information de façon vocalisée, dimension pourtant essentielle pour les personnes handicapées visuelles. D’autre part, il faut penser que, sur ce type d’événementiel, les personnels doivent composer avec une affluence de visiteurs importante ; en matière de sécurité, puisque les personnes handicapées ont libre possibilité de visite, au même titre que tout autre visiteur, cela ne demeure pas sans leur poser problème. L’événementiel coïncide avec une étape importante dans les efforts réalisés par un certain nombre de monuments, et les institutions publiques se doivent d’être exemplaires pour encourager et nourrir la réflexion des autres établissements culturels. Le chantier n’en reste pas moins immense pour satisfaire la curiosité et la formidable envie des visiteurs en situation de handicap, qui devraient pouvoir y avoir libre accès, que ce soit en famille, seuls ou accompagnés !

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?
La loi du 11 février 2005 et sa série de décrets imposent le cadre et les objectifs à atteindre en matière d’accessibilité, mais fournissent bien peu d’éléments sur la méthodologie à suivre ! Or nous constatons que l’aspect dérogatoire lié aux bâtiments patrimoniaux protégés ne retient nullement l’élan et la motivation des gestionnaires, qui s’interrogent pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Ils le font parce qu’ils y sont contraints par la loi. Ils le font aussi parce que cette préoccupation devient exponentielle à l’échelle nationale en raison d’une multiplication des chantiers. Par ailleurs, les plus avertis intègrent la problématique des besoins des visiteurs handicapés dans une réflexion plus globale liée à une « démarche qualité » pour l’accueil de tous les publics, car ils comprennent que se pencher sur ces problématiques profitera à l’ensemble des visiteurs.

Les choses ont-elles évolué de manière concrète ?
Malgré des avancées majeures, voire exemplaires sur certains monuments, beaucoup reste à faire ! Certains responsables – le plus souvent parmi les gestionnaires de sites privés – restent encore apeurés par le chantier à entreprendre et certains se dérobent derrière des dérogations. D’autres sont peu enclins à bouleverser la gestion du monument, voire son architecture, par crainte de le dénaturer. Enfin, quelques-uns demeurent sourds aux demandes des référents « handicap » chargés de l’accueil de ces publics et très motivés par les projets à développer. Mais pour un grand nombre de gestionnaires de site, il demeure encore difficile de savoir, tant parfois le chantier est grand, par quelle extrémité prendre la chaîne de l’accessibilité. Celle-ci passe par l’accueil et la médiation humaine, la mise en place d’une communication ciblée, mais aussi par le traitement du monument (abords, signalétique…) et par une offre culturelle adaptée. Les actions pouvant servir de référence à d’autres équipes sont souvent méconnues, le temps à consacrer au sujet de l’accessibilité est insuffisant, les professionnels ne sont pas assez formés…

Quelle démarche préconisez-vous ?
Il est impératif de restituer ces points de méthode aux professionnels en les éclairant sur les prescriptions à suivre dans l’optique d’atteindre un maximum de confort et de sécurité pour les visiteurs, même si, nous le savons, certains problèmes d’accès resteront insolubles. C’est de façon concertée, avec l’aide des professionnels et des associations représentatives de personnes handicapées, que les responsables doivent réfléchir et agir selon une démarche qui doit s’inscrire dans le temps avec des priorités à traiter, des paliers à atteindre et des échéances à prendre en compte (et lorsque cela est impossible, les obstacles doivent être compensés par la qualité de la médiation humaine).

Est-il réellement envisageable de mettre en accessibilité tous les monuments historiques ?
L’accessibilité, si elle ne peut être résolue sur le plan du cadre bâti, le sera par le biais de la formation des personnels pour qu’ils puissent travailler à adopter de bons réflexes professionnels. Ils devront notamment avoir en charge d’adapter leurs pratiques avec le développement d’outils, de supports, de brochures, de solutions numériques… en pensant à les adapter lorsque cela est nécessaire. Pour atteindre les objectifs, il faut s’entourer des associations représentatives des personnes handicapées et de personnes spécialisées sur cette question en privilégiant une approche multisensorielle, qui est bénéfique à tous les publics, notamment les publics jeunes et les seniors… Reste le plus important : oser consulter les personnes handicapées elles-mêmes en amont de la conception et en aval des productions.

Site Internet de l'Association Interface Handicap : www.interface-handicap.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Laëtitia Ouakil, responsable missions en accessibilité Interface Handicap

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