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La sculpture du Getty Museum n’était pas un Gauguin 

Par Jinane Dolbec · lejournaldesarts.fr

Le 2 février 2020 - 443 mots

LOS ANGELES / ETATS-UNIS

Une expertise confirme que le « Visage cornu » exposé au Getty depuis dix-huit ans n’est finalement pas de sa main.

Tête avec cornes, vers 1894, bois de santal avec restes de polychromie. © Courtesy The J. Paul Getty Museum.
Tête avec cornes (détail), vers 1894, bois de santal avec restes de polychromie.
Courtesy The J. Paul Getty Museum.

La sculpture en bois de santal représentant un diable cornu, attribuée à tort à Paul Gauguin, a été retirée de l’exposition permanente du musée de Los Angeles, après dix ans d’examen. Le musée avait acheté l’œuvre en 2002 pour 3 millions d’euros à la galerie new-yorkaise Wildenstein & Co, qui l’avait elle-même obtenu d’une collection privée en Suisse.  

La pièce, considérée comme un autoportrait symbolique du peintre, avait été étiquetée « idole marquisienne » par l’ingénieur et photographe français Jules Agostini, et apparaissait dans plusieurs dessins et gravures de l’artiste, notamment la Femme tahitienne et l’esprit démoniaque, qui présente un visage cornu similaire à celui de la sculpture.  Deux photographies de la sculpture collées dans l’ouvrage Noa Noa de Gauguin, illustré par ses soins à la fin des années 1890, avaient achevé de convaincre de l’attribution à Gauguin. 

Tête avec cornes, vers 1894, bois de santal avec restes de polychromie. © Courtesy The J. Paul Getty Museum.
Tête avec cornes, vers 1894, bois de santal avec restes de polychromie.
Courtesy The J. Paul Getty Museum.

Lors de l’acquisition de la pièce, la directrice du Getty de l’époque, Deborah Gribbon, avait déclaré : « Les sculptures de Gauguin sont extrêmement rares, et cette œuvre fascinante en est un superbe exemple. » L’objet, qui a voyagé partout dans le monde, fut présenté comme une œuvre majeure de l’artiste, notamment à la Tate Modern de Londres, au Museo delle Culture de Milan et au Musée d’art moderne de New York. 

Mais en 2008, la directrice du département de la sculpture et des arts décoratifs, Lise Desmas, avait décidé de mener des investigations. Après l’avoir comparée à d’autres sculptures de Gauguin, elle a pu constater que le diable ne présentait pas la signature qui figure habituellement sur les œuvres de Gauguin, et que le piédestal était très atypique. 

Qui est l’auteur ?

« Même s’il ne s’agit pas d’un chef-d’œuvre, la tête cornue reste un objet très intriguant », a souligné Desmas. Les spécialistes de l’art polynésien s’accordent à dire que ce n’est pas une sculpture traditionnelle, tant pour des raisons stylistiques que pour son iconographie (le « diable », en tant que tel, n’existe pas dans les mers du Sud). Il aurait pu être créé par un artisan indigène pour le marché européen, ou encore par un Européen qui aurait voyagé dans les îles du Pacifique. 

Chef de file de l'École de Pont-Aven et inspirateur des nabis, Paul Gauguin est considéré comme l'un des peintres français majeurs du XIXe siècle et l'un des plus importants précurseurs de l'art moderne. En 1887, il voyage en Martinique, puis s’installe en 1891 à Tahiti, où il espère pouvoir fuir la civilisation occidentale  Il passera le reste de toute sa vie dans ces régions tropicales, d'abord à Tahiti puis dans l'île de Hiva Oa dans l'archipel des Marquises.

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