Galerie - Ventes aux enchères

Éditorial

Un marché de l’art en trompe-l’œil

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2023 - 398 mots

Économie. Le marché de l’art est-il aussi prospère qu’il veut bien le faire croire ?

Vente de la collection Paul Allen par Christie's, le 9 novembre 2022 à New York. © Christie's Images Ltd. 2023
Vente de la collection Paul Allen par Christie's, le 9 novembre 2022 à New York.
© Christie's Images Ltd. 2023

Les maisons de ventes ne cessent de trompeter leurs records, les foires annoncent des fréquentations étonnantes et des transactions toujours plus actives tandis que les grandes galeries s’enorgueillissent de sold out. Et les médias reprennent trop souvent sans filtre ce déluge de bonnes nouvelles entretenant ce climat édénique.

Ce n’est pourtant pas ce que disent les chiffres du toujours très riche rapport Art Basel/UBS réalisé par Clare McAndrew. Le marché de l’art n’aurait augmenté que de 19 % depuis 2010, alors que dans le même temps le patrimoine des grandes fortunes a presque triplé (le nombre de milliardaires a lui plus que doublé) tandis que le revenu national brut mondial a augmenté de 67 %. 19 % de croissance en douze ans dans un contexte général aussi haussier, cela n’a rien de mirobolant, en tout cas c’est en décalage par rapport à la communication des professionnels. Plus encore, une analyse fine de la répartition des ventes montre qu’il suffit de quelques adjudications autour de 100 millions de dollars de tableaux de Monet, Picasso ou Warhol en plus ou moins une année pour inverser le résultat final. Le marché de l’art est, au fond, un marché à la croissance lente.

Ce n’est pas tant le discours optimiste des marchands d’art qui pose question – après tout ils sont dans leur rôle – que les raisons de cette stagnation. Est-ce lié à une offre limitée en œuvres d’art ? Ceci est vrai par définition pour l’art ancien (les artistes sont décédés), moins pour l’art contemporain où il y a toujours plus d’artistes. Le marché de l’art est-il peu liquide (il est difficile de revendre simplement et rapidement une œuvre) ? C’est possible à en juger – a contrario – par l’irruption du marché des NFT Art et des collectibles où les transactions peuvent être réalisées en quelques secondes. Malgré une baisse de régime en 2022, ce marché est passé de zéro ou presque en 2018 à un montant équivalent à 20 % du marché de l’art. Autre explication, les nouveaux acheteurs sont-ils en nombre insuffisant en dépit de l’arrivée de jeunes collectionneurs séduits par la simplicité des ventes numériques ? C’est sans doute la raison la plus immédiate. Il serait en tout cas intéressant que les économistes analysent ce phénomène afin que la profession en tire les conséquences sur ses pratiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Un marché en trompe-l’œil

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque