Architecture

Vivre dans sa bulle

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 18 février 2016 - 443 mots

Les éditions du Patrimoine racontent les maisons organiques, ces « architectures-cocons » construites dans les années 1960 et 1970.

Le fonctionnalisme triomphant consécutif à la Seconde Guerre mondiale n’a pas fait que des heureux, y compris chez les maîtres d’œuvre. À preuve : cette poignée d’architectes installés en France qui, dès la fin des années 1950, refusèrent la virilité moderniste pour flirter allègrement avec les courbes ou, plus encore, avec les rassurantes formes ovoïdes. En témoigne cet éloquent ouvrage intitulé Maisons-bulles. Architectures organiques des années 1960 et 1970, que signe l’historienne de l’architecture Raphaëlle Saint-Pierre. Celui-ci se découpe en trois sections : un portfolio rassemblant des projets en France et à l’étranger, parmi lesquels moult réalisations méconnues ; un essai (passionnant) sur l’architecture des « maisons-bulles », rédigé par Raphaëlle Saint-André ; un chapitre final décortiquant le travail des cinq agences emblématiques dans le domaine, en l’occurrence : Pascal Häusermann et Claude Costy, Jean-Louis Chanéac, Jacques Couëlle, Antti Lovag, Pierre Székely et Henri Mouette.

Primitivo-futurisme

À cette époque donc, à la fin des années 1950, le philosophe Gaston Bachelard écrit dans son livre La Poétique de l’espace (éd. PUF, 1957) : « L’Homme, l’animal, l’amande, tous trouvent le repos maximum dans une coquille. » Une maxime que ne renieraient pas les architectes cités plus haut. D’autant que le matériau phare d’alors, le béton armé, et plus précisément la technique dite du « voile de béton », permettent une immense liberté d’expression. Fleurissent, dans la foulée, quantité d’esquisses de ces « architectures-cocons » – « des espaces plus sécurisants », selon Jean-Louis Chanéac –, à mi-chemin entre représentation primitive et projection futuriste. En 1959, le Suisse Pascal Häusermann est le premier à ériger une « maison-bulle » – baptisée Le Dolmen et destinée à son père qui désire une demeure la plus économique possible – qu’il élève de ses propres mains, à Grilly, dans l’Ain.

« Si la malléabilité peut rapidement mener à la gratuité formelle, l’originalité de [ces architectes] n’empêche pas une rigueur mathématique et une maîtrise de la géométrie isostatique, estime Raphaëlle Saint-Pierre. La recherche plastique de ces créateurs est indissociable d’une approche organique. La nature minérale, végétale et animale redevient une source d’inspiration inépuisable, de la grotte à l’escargot, en passant par les arbres creux. » Ainsi en est-il de la Maison Goupil conçue par Jacques Couëlle à Chevreuse (Yvelines), de la maison familiale de Jean-Louis Chanéac sise à Aix-les-Bains (Savoie), sans oublier le plus célèbre dans ce registre d’édifices, le bien nommé « Palais Bulles », pourvu d’une multitude de hublots façon bathyscaphe, construit par Antti Lovag en 1980 à Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), et propriété, depuis 1992, du couturier Pierre Cardin.

Maisons-bulles, architectures organiques des années 1960 et 1970

Par Raphaëlle Saint-Pierre, éditions du Patrimoine/Centre des monuments nationaux, 192 pages, 150 illustrations, 2015, 25 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Vivre dans sa bulle

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque