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NUMÉRIQUE

Un rapport « exploratoire » sur les métavers

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 23 novembre 2022 - 727 mots

Dans cette étude commandée par le gouvernement, figurent dix propositions pour rattraper le temps perdu face aux Gafam.

Avatars dans Horizon Worlds, le metavers conçu par Meta - anciennement Facebook. © Meta
Avatars dans « Horizon Worlds », le metavers conçu par Meta, anciennement Facebook.
© Meta

Paris. Le titre du rapport sur les métavers qui vient d’être remis officiellement au gouvernement (« Mission exploratoire sur les métavers ») illustre bien le retard pris par la France dans ce domaine. Alors que Facebook a déjà investi plus de 10 milliards de dollars dans l’Internet immersif et changé le nom de l’entreprise il y a un an en celui de « Meta », montrant ainsi ses priorités, le gouvernement en est tout juste à étudier un rapport exploratoire commandé en février à deux chercheurs (Camille François et Rémi Ronfard) et un avocat (Adrien Basdevant). Mais mieux vaut tard que jamais et ce document a le mérite de fixer un cadre d’analyse pour ce que les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et les start-up de la Silicon Valley estiment être la troisième génération du Web : après le texte puis la vidéo, voici l’immersif.

Qu’est-ce que le métavers au juste ? Les auteurs en proposent la définition suivante : « un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives ». Ils distinguent le Métavers – avec une capitale –, qui désigne le concept (comme l’Internet), des différentes offres qui le composent : les métavers avec une minuscule. Le concept a donc plusieurs déclinaisons possibles qui vont de la plus simple : un espace immersif dans lequel l’usager évolue par le biais de son écran d’ordinateur (les jeux vidéo) ou grâce à des lunettes, à la plus sophistiquée : la réalité augmentée. Dans ce cas, les utilisateurs sont, au sein d’un espace physique réel, munis d’un casque spécial leur permettant d’être immergés dans un monde virtuel qui se superpose à l’espace physique.

Ne pas faire trois fois la même erreur

Les enjeux sont considérables : économiques bien sûr, mais aussi sociétaux voire anthropologiques. Quels seront ainsi les effets physiologiques et psychologiques sur les humains qui passeront une bonne partie de leur journée un casque vissé sur la tête, tandis que leurs avatars interagissent avec d’autres avatars numériques ? Pour l’heure, les auteurs se préoccupent plutôt d’éviter de faire la même erreur qu’avec les deux générations précédentes d’Internet – laisser aux géants américains du numérique le monopole de l’accès : Google pour le texte et YouTube/Instagram pour la vidéo et la photo.

Cela passe par le réinvestissement des « instances internationales de négociation des standards techniques » pour peser sur les normes d’interopérabilité comme par le lancement « dès maintenant [du] travail d’adaptation » des différentes directives européennes sur le numérique aux enjeux des métavers. Dans le même temps, les auteurs recommandent d’analyser la chaîne de valeur des métavers et de cartographier l’offre française dans cette chaîne, ce qu’ils n’ont pu faire dans le cadre de leur mission compte tenu du temps imparti et de l’immensité du sujet.

Fort heureusement, la France dispose déjà d’entreprises compétentes pour intervenir dans cette chaîne, telles Ubisoft et Dassault Systèmes. Et, plutôt que de chercher à bâtir l’équivalent d’un Google (européen) du Métavers (un nouveau Minitel en quelque sorte), les auteurs du rapport recommandent de soutenir le développement des multiples briques qui composent l’écosystème du Métavers. C’est de l’innovation technologique que naîtront des services futurs dont on n’a pas encore idée. La neuvième des dix propositions suggère ainsi de créer un institut de recherche et de coordination sur le modèle, dans le domaine de la création musicale, de l’Ircam, ceci afin de favoriser la rencontre des acteurs du Métavers dans le domaine culturel. Si le ministère de la Culture est, avec le ministère de l’Économie et le secrétariat d’État au numérique, l’un des trois commanditaires de la mission, c’est parce que la culture et la communication sont potentiellement très touchées par le Métavers : visites de monuments en réalité augmentée, expositions et concerts virtuels, achat d’œuvres d’art sous la forme de NFT

On se consolera du retard pris par la France en se rappelant les échecs des Gafam (le site Second Life, les lunettes « Google Glass ») et les difficultés économiques de la société de Mark Zuckerberg consécutives au faible retour sur investissement de sa division Métavers. Car aujourd’hui, en dehors des jeux vidéo qui permettent d’interagir avec d’autres utilisateurs, le Métavers est surtout une promesse marketing. D’autant, ajoutent les auteurs, que les freins techniques sont nombreux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Un rapport « exploratoire » sur les métavers

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