Pyrotechnie

Tout feu, tout flamme

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 2 juin 2015 - 445 mots

L’étude de Kevin Salatino sur la représentation des feux d’artifice
paraît en français, dans une version revue et augmentée.

Ingrédient essentiel du Nouvel An, des fêtes nationales et autres célébrations publiques comme privées, le feu d’artifice a aujourd’hui acquis le statut de spectacle à part entière. Paru en 1997 aux États-Unis, lorsque Kevin Salatino était conservateur du département des arts graphiques au Getty Research Institute (1), Art incendiaire. La représentation des feux d’artifice en Europe au début des Temps modernes remonte à l’époque où l’art pyrotechnique n’était qu’un élément, symbolique ou narratif, de spectacles à très grande échelle proprement époustouflants. Cette version française, largement revue et augmentée par rapport à l’originale, intitulée Incendiary Art, est une étude historique concise et richement documentée de la manière dont étaient illustrées ces démonstrations de force organisées dans toutes les cours d’Europe, durant les XVIIe et XVIIIe siècles.

Couronnements, mariages, naissances, victoires militaires ou visites officielles, tout était prétexte aux yeux des puissants à « épater la galerie » et asseoir leur autorité. Or, ces spectacles avaient pour principal défaut aux yeux de leurs commanditaires d’être éphémères. Un nouveau genre de gravures et de livres de fêtes illustrés s’est alors développé, consignant ces miracles scéniques et pyrotechniques pour étendre au plus grand nombre l’impact propagandiste de ces célébrations. S’appuyant sur un nombre important de gravures historiques, Kevin Salatino analyse les différents styles employés et s’amuse à démêler le vrai du faux en confrontant comptes rendus officiels élogieux et témoignages privés moins enthousiastes. Car aucune image ne peut être comprise « en dehors du contexte politique, culturel et narratif plus vaste » dans lequel elle s’inscrit.

Le Versailles de Louis XIV paraît être l’épicentre de ces fêtes somptueuses aux scénarios sophistiqués mêlant mythologie et fantastique – par souci de compréhension vis-à-vis du plus grand nombre, étaient distribués des programmes explicatifs. C’est oublier l’époustouflante « Girandola » annuelle du château Saint-Ange à Rome, célébration des saints Pierre et Paul toujours d’actualité, que l’artiste anglais Joseph Wright of Derby rapprochait des éruptions du Vésuve. Ou « Der Stein », cette reproduction miniature du Vésuve construite à la fin du XVIIIe près de Dessau, en Allemagne, pour des spectacles à émotions fortes qui inspirèrent jusqu’à Goethe. On touche alors à la notion de sublime définie par Edmund Burke dans les années 1750 : « Lorsque le danger ou la douleur serre de trop près, ils ne peuvent donner aucun délice et sont simplement terribles : mais, à distance, et avec certaines modifications, ils peuvent être délicieux et ils le sont. »

Note

(1) Kevin Salatino est l’actuel directeur des collections d’art de la Huntington Library, Art Collections and Botanical Gardens à San Marino (Californie).

KEVIN SALATINO, ART INCENDIAIRE. LA REPRÉSENTATION DES FEUX D’ARTIFICE EN EUROPE AU DÉBUT DES TEMPS MODERNES, traduction par Alexandre Nguyen Duc Nhuân revue par Sophie Yersin Legrand, éd. Macula, Paris, 2015, 168 p., 24 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°437 du 5 juin 2015, avec le titre suivant : Tout feu, tout flamme

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