Évenementiel

Le Mai fait bourgeonner l’édition d’art

Rendez-vous printanier des éditeurs spécialisés dans le domaine culturel, le Mai du livre d’art souffle ses vingt bougies dans un contexte peu propice au secteur

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 1120 mots

Créé en 1988 pour équilibrer l’édition d’art essentiellement concentrée sur le dernier trimestre de l’année, le Mai du livre d’art fête cette année ses vingt ans. Pour la première fois, il tiendra salon au Centre Pompidou les 17 et 18 mai, et ce, jusqu’à 23h le samedi dans le cadre de la Nuit des Musées (lire p. 34). Au programme : rencontres avec les éditeurs et auteurs, ainsi que remise des Prix du Mai du livre d’art. Dans un climat plutôt morose pour l’édition d’art, qui voit surtout fleurir des catalogues d’expositions et peu de publications purement scientifiques, avec une augmentation très nette des coûts iconographiques, diverses maisons sont parvenues à sortir pour l’occasion des ouvrages de qualité dont nous proposons une sélection.

Du nouveau sur l’architecture arménienne
Grâce à plusieurs travaux de recherche menés depuis le XIXe siècle, l’architecture arménienne, fruit d’influences byzantines, perses et arabes, est aujourd’hui connue pour certains de ses sites célèbres : Etchmiadzine, Aghtamar et Ani. Tous ont toutefois été principalement construits à l’époque paléochrétienne (IV-VIIe siècle) et médiévale-moderne (IX-XVIIIe siècle). En revanche, l’architecture du VIIe siècle, soit entre 630 et 690, était restée jusque-là peu étudiée alors qu’elle est considérée comme un âge d’or par les spécialistes. Car, c’est au cours de ce siècle décisif, et néanmoins très troublé politiquement, que s’est élaboré l’essentiel du langage formel de cette architecture caucasienne de pierres – qui se situe à la fois en Arménie et en Géorgie. Si, d’une part, les constructions se multiplient, elles s’enrichissent aussi de coupoles de plus en plus complexes et s’ornent d’un arsenal décoratif, pourtant jadis très simple, centré sur la figuration humaine ou animale. Ce beau livre, issu d’un travail de thèse d’habilitation d’un universitaire d’Aix-en-Provence, propose donc de pallier ces lacunes en alternant textes érudits et illustrations. S. F.
- Patrick Donabédian, L’Âge d’or de l’architecture arménienne, VIIe siècle, éd. Parenthèses, 2008, 331 p., 46 euros, ISBN 978-2-86364-172-9.

Terre métissée
Art de tradition amazonienne qui s’est développé dans le contexte de la colonisation française, la céramique des Amérindiens Kali’na de Guyane fait l’objet d’un premier ouvrage aux éditions Vents d’ailleurs. Chargé des collections américaines au Musée national de céramique de Sèvres, après avoir travaillé au Musée national des Arts et Traditions populaires, Marie-Chantal de Tricornot étudie depuis la fin des années 1990 cet art réservé aux femmes. La poterie des Kali’na, dont l’apogée se situe à l’aube du XXe siècle, se caractérise, comme le précise l’auteure, « par une production pour l’autre, par le métissage, où sur des formes largement empruntées à l’Europe se déploie un décor de tradition autochtone et par une création originale ». Elle en retrace ici l’histoire et en révèle les modes de fabrication sans jamais en trahir les secrets. D. B.
- Marie-Chantal de Tricornot, L’Art céramique des Kali’na, éditions Vents d’ailleurs, 156 p., 45 euros, ISBN 978-2-911412-51-6.

Le palais du peuple
Érigé dans le prolongement du Pont Alexandre III, au cœur du 8e arrondissement parisien, pour l’Exposition universelle de 1900, devenu au fil du temps un lieu pour le moins hétéroclite, le Grand Palais a fait l’objet d’une importante campagne de restauration depuis le début des années 2000, sous la houlette d’Alain-Charles Perrot, architecte en chef des monuments historiques. Les études menées au préalable par l’historien d’art Gilles Plum à destination de l’Emoc (Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels) et de la SOCRA (Entreprise de conservation et restauration d’œuvres d’art) ont servi de point de départ au nouvel ouvrage des éditions du patrimoine. Gilles Plum y analyse en détail l’architecture et les décors de ce « palais du peuple » comme il aime à le décrire. Et de préciser : « Aujourd’hui, le Grand Palais est entré dans l’Histoire. Il immortalise les plus hautes aspirations de la République laïque et démocratique de la fin du XIXe siècle ». L’auteur s’attache d’abord au contexte urbain et à la genèse du projet avant de détailler les différentes phases de construction du Grand Palais, puis d’en décrypter la statuaire et les frises. Il s’intéresse ensuite au destin de ce monument éclaté et à sa lente renaissance au début du XXIe siècle. En annexes, le lecteur trouvera des détails sur sa rénovation. Largement documenté, l’ensemble du livre comprend des plans, croquis, dessins et archives d’époque, ainsi que de nombreuses photographies récentes signées Jean-Pierre Delagarde. D. B.
- Gilles Plum, Jean-Pierre Delagarde (photographies), Le Grand Palais, éditions du Patrimoine – Centre des monuments nationaux, Paris, 2008, 222 p., 50 euros, ISBN 978-2-85822-901-7.

Les Nymphéas, l’intégrale
Exposés en France, aux États-Unis et au Japon, ou conservés dans des collections particulières, les Nymphéas de Claude Monet continuent d’attiser la convoitise des institutions publiques et des collectionneurs privés à travers le monde. Emblématique du passage de la peinture figurative à l’abstraction, cette série a occupé l’esprit de Monet pendant près de 25 ans. Campé au bord de son étang artificiel dans son célèbre jardin de Giverny, l’artiste s’est appliqué à brouiller les limites entre le ciel et son reflet sur l’eau, créant une nouvelle dimension picturale. Accompagné d’essais biographiques et analytiques signés Denis Rouart et Jean-Dominique Rey, cet ouvrage répertorie les deux cent cinquante tableaux de cet ensemble fondateur de l’art moderne. M. M.
- Jean-Dominique Rey et Denis Rouart, Monet, les Nymphéas, Flammarion, 2008, 168 p., 270 ill., 49 euros, ISBN 978-208-1214-668.

Une œuvre, un historien
Nouvelle collection des éditions Armand Colin au propos original, « Une œuvre, une histoire » place un historien face à une œuvre d’art. Chacun des cinq titres déjà parus – La jeune Fille au miroir de Titien par Sabine Melchior-Bonnet, Olympia de Manet par Dominique Borne, Les Lances de Vélasquez par Bartolomé Bennassar, Les Pieds nickelés par Jean Tulard et Le Bureau de coton de Degas par Philippe Artières – est l’occasion pour les auteurs d’immerger le lecteur dans un moment d’histoire. Par exemple, Le Bureau de coton est, aux yeux d’Artières, une « véritable peinture d’Histoire ». Premier tableau de Degas à être entré les collections françaises, il évoque le basculement irrémédiable de la jeune société américaine vers le capitalisme le plus forcené. M. M.
- Philippe Artières, Le Bureau de coton De Degas, éd. Armand Colin, 80 p., 12,90 euros, ISBN 978-2-2003-5369-

À paraître également courant mai

- James Thompson, Barbara Wright, Eugène Fromentin, monographie révisée et catalogue de dessins, ACR éditions, Paris, 576 p., 104 euros, ISBN 978-2-86770-1887.
- Anne Cartier-Bresson (sous la dir.), Le Vocabulaire technique de la photographie, éditions Marval, 500 p., 110 euros, ISBN 978-2-8623-4400-3.
- Danielle Elisseeff, Art et archéologie : la Chine – du Néolithique à la fin des Cinq dynasties (960 de notre ère), éditions de l’École du Louvre, 386 p., env. 50 euros, ISBN 978-2-9041-8723-5.
- Barnett Newman – Écrits, lettres, entretiens, édition Macula, Paris, 336 p., 32 euros, ISBN 978-2-86589-061-9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Le Mai fait bourgeonner l’édition d’art

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