Kandinsky

Le Journal des Arts

Le 1 avril 1994 - 488 mots

Les récentes découvertes occasionnées par l’ouverture des pays de l’Est imposaient cette nouvelle et complète monographie de Wassily Kandinsky.

Depuis la monumentale étude de Will Grohmann publiée en 1958, Kandinsky n’avait plus fait l’objet d’une monographie aussi complète que celle aujourd’hui offerte par Jelena Hahl-Fontaine, ancien conservateur de la Lenbachhaus de Munich (où est conservé le plus bel ensemble du "Blaue Reiter"). Un tel ouvrage s’imposait d’autant plus que les découvertes récentes se sont multipliées depuis la chute du mur de Berlin. Les collections russes, enfin accessibles, ont livré leurs secrets entraînant à leur suite la redécouverte de cette première toile abstraite, le tableau avec cercles de 1911, qui fait ici l’objet d’une analyse pénétrante.

Synthétisant de longues recherches, l’auteur nous invite à pénétrer l’œuvre d’un artiste dont le cheminement s’avère essentiel à l’histoire de l’art du XXe siècle. Richement documenté, exploitant des archives inédites – correspondances, manuscrits, essais théoriques – sans jamais céder à l’anecdote, l’ouvrage précise bien des points quant à la marche de Kandinsky vers l’abstraction. L’essentiel de la démonstration porte sur la période qui, des débuts en Russie, mène à Munich avec la création des cercles artistiques "Phalanx", "la Nouvelle Association artistique de Munich" et, surtout, le "Blaue Reiter" qui assistera à l’invention progressive de l’abstraction et à sa préfiguration théorique dans Du spirituel dans l’art (1911), essai désormais classique. L’auteur offre un éclairage nouveau sur les origines de cette période flamboyante en analysant avec rigueur le contexte russe fin de siècle dans lequel Kandinsky a évolué intellectuellement avant de se consacrer à la peinture. Capital, l’ouvrage l’est sans conteste sur ce plan. Il insiste sur la cohérence d’une pensée qui conditionnera l’évolution même de l’œuvre. On comprend mieux, dès lors, les reproches que d’aucuns ne manqueront pas d’adresser à un tel parti pris : avoir privilégié ces années de tâtonnement au détriment de la période du "Bauhaus" et de la période parisienne qui, dans l’esprit de Jelena Hahl-Fontaine, ne sont que de tardifs prolongements parfois prisonniers des exigences du moment.

Le séjour russe de 1915-1921 apparaît bien comme une période de mutation durant laquelle, après l’éphémère retour à une figuration "Biedermeier", Kandinsky assimile à son corps défendant, et malgré l’environnement hostile, les principes d’un art construit auquel il était jusque-là resté étranger. Cas unique parmi les pionniers de l’abstraction des années 1910, il ne s’était jamais intéressé au cubisme. Il semble évident que, pour l’auteur, les années 20 marquent un decrescendo sans rompre pour autant avec l’esprit d’avant-guerre. D’où l’adjonction d’un texte à teneur plus philosophique de Michel Henry consacré aux dernières années où, à Paris, Kandinsky formule en des termes animistes, souvent proches du surréalisme d’un Miró, une figuration aux références intérieures. Peut-être regrettera-t-on l’aspect désorganisé d’un tel final qui conduit à minimiser la période du "Bauhaus" et à déséquilibrer la démonstration.

Jelena Hahl-Fontaine, Kandinsky, Bruxelles, Marc Vokar Éditeur, 33 x 26 cm, 431 p., 4?420 FB. Diffusé en France par Hazan.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Kandinsky

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