Livre

Habiller une princesse

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 21 novembre 2018 - 367 mots

PARIS

On sait depuis d’anciennes bonnes grâces élyséennes qu’il ne sert à rien d’avoir lu La Princesse de Clèves.

Ce qui donne à certains le désir inspiré de le lire, le relire et le relire encore. Quoi de plus naturel à notre époque que cette jeune femme dont la plus grande faille est de vibrer d’un appel amoureux. Quoi de plus actuel que l’élan qui la pousse vers plus de liberté. Que nous renvoie à sa manière ce personnage haut en couleur qui fit basculer le roman de l’épopée historique aux réalités intérieures de la condition humaine ? Princesse et amoureuse, quelle jeune fille, hier et aujourd’hui, ne rêve pas de par le monde d’un ailleurs pour un seul jour meilleur, quand les dogmes et les us enserrent son cou et son cœur ? On s’attendrait, d’une nouvelle édition illustrée par Lacroix, à une relecture, renouvelée, enrichie, nuancée, à la stature de la femme moderne et libérée qu’appelle de ses vœux la jeune princesse, en perdition dans les gaines de sa stature, de son rang et de son temps. Confrontations des modes et des pensées. C’est un objet comme un livret qui s’empare de nos mains, et nous y laisse rêver. Celui d’une préparation qui pourrait être à l’œuvre pour les costumes et les décors d’une pièce, d’un spectacle ou d’un défilé qui lui serait consacré. Tour à tour hanté d’une femme allégorique, campée dans un rôle à tenir, comme toujours à venir, qui ne manque pas d’allure, et des plans de la scène où se joue son drame. Là voilà maintenant, intemporelle et guindée, empreinte de nostalgie, laissée seule à ses habits, à ses postures, à ses atours, renvoyée au carcan de son corset cambré, droit, haut, étroit, et mise en majesté. Aux antipodes de sa modernité et de nos combats. Loin d’être déplacé, le rapprochement graphique et thématique souligne cependant, dans un rapport des mots à l’image, toute la complexité de mettre du style et d’imager sans se renier et sans rester aux franges de desseins inanimés. À ce jeu de regards, le texte de Madame de La Fayette semble passer juste à côté des œuvres flamboyantes de l’artiste. À moins que cela soit le contraire.

Madame de La Fayette, illustration de Christian Lacroix,
 
La Princesse de Clèves,
Gallimard, 208 p., 42 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Habiller une princesse

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