Bande dessinée

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Au centre de la marge

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 28 mars 2022 - 360 mots

Les Marginalia, ce sont ces annotations et ces petits dessins qui étaient tracés, au Moyen Âge, dans la marge des manuscrits par les copistes et les lecteurs.

Elles ont donné leur nom à une exposition au Nouveau Musée national de Monaco (NMNM) en 2021, « Marginalia, Dans le secret des collections des bandes dessinées », et au catalogue qui l’accompagne. Un catalogue ? Davantage un livre indépendant. Pardon, un continent autonome ! Cet ouvrage défend l’ambition de ses apparences : plus de 500 pages et probablement autant de reproductions accompagnées d’essais de Marie-Claude Beaud (ancienne directrice du NMNM), de Stéphane Vacquier (historien de l’art), de Numa Sadoul (écrivain), de Damien MacDonald (auteur et dessinateur de romans graphiques), et de Thierry Groensteen, Didier Pasamonik et Jean-Luc Fromental, trois spécialistes reconnus de la bande dessinée. Marginalia ne retrace pas une histoire chronologique de la BD, mais propose une analyse historique et, au passage, esthétique du 9e art – le cancre du « fond de la classe » dans la hiérarchie des arts, note Marie-Claude Beaud. Entre les superbes planches de George Herriman (dont le personnage de Krazy Kat, ce chat amoureux d’une souris au début du XXe siècle, guide le lecteur tout au long de l’ouvrage), Töpffer, MacCay, Peyo, Schulz ou Loisel, les essais s’intercalent comme autant de portes ouvertes vers cet univers longtemps tenu à distance respectable de l’art. Damien MacDonald appelle ainsi de ses vœux une analyse de l’influence mutuelle de la BD et de la psychanalyse, apparues à la même période – analyse déjà faite pour le cinéma, note-t-il. Thierry Groensteen retrace, lui, « les chemins de la respectabilité » parcourus par la BD, depuis l’étude sociologique de Luc Boltanski, (qui soulignait, en 1975, que les dessinateurs de la génération Piloteétaient issus des classes populaires qui n’avaient pas accès à la peinture ou à la littérature), jusqu’à l’exposition « en majesté » de Mœbius (Jean Giraud) à la Fondation Cartier, en 2010. « Pourquoi refuse-t-on depuis si longtemps aux artistes de bande dessinée leur statut de créateur ? », feint de s’interroger Didier Pasamonik dans son texte essentiel, « Un art en constante mutation ». Peut-être parce que cela leur a paradoxalement apporté « l’étendard de la liberté d’expression », suppose Marie-Claude Beaud…

Collectif, « Marginalia, Dans le secret des collections des bandes dessinées, »
Glénat, NMNM, 512 p., 59 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°753 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Au centre de la marge

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