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ART CONTEMPORAIN

Velickovic, un artiste sous-coté

Par Amélie Adamo · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2023 - 637 mots

La Galerie Patrice Trigano expose une sélection d’œuvres majeures du peintre d’origine serbe dont un ensemble de tableaux historiques de la fin des années 1960.

Paris. Après l’exposition organisée cet été par l’Académie des beaux-arts, c’est la Galerie Patrice Trigano qui rend hommage au peintre d’origine serbe installé à Paris dans les années 1960 et disparu en 2019. Accompagnant l’Institut, dont les choix s’étaient portés sur des œuvres datées de 1974 à 2019, la galerie parisienne remet en lumière des pièces historiques, rares sur le marché : des grands tableaux de la fin des années 1960, dont quatre ont été vendus dès l’ouverture. De par l’usage baroque de la couleur, ces tableaux sont singuliers dans le parcours de Vladimir Velickovic, avant que celui-ci ne choisisse de passer au noir et blanc.

Expression du tragique

En complément de ces œuvres majeures, sont présentées de plus petites toiles parmi lesquels des paysages peints dans les années 2010, comme les « Corbeaux » ou les « Feux ». Un choix de tableaux dont la fourchette de prix va de 4 000 euros pour les plus petits formats à 120 000 euros pour les pièces historiques.

Patrice Trigano a découvert l’œuvre de Velickovic à la fin des années 1960. « C’était à la galerie du Dragon, explique-t-il. J’y découvrais ces grands tableaux qui dénonçaient le fascisme, des orateurs bavant de haine. » Ces tableaux historiques, qui l’ont fortement « impressionné », Patrice Trigano ne les oubliera pas. En 1973, lorsqu’il ouvre la Galerie Beaubourg aux côtés de Pierre Nahon, Patrice Trigano contacte Vladimir Velickovic. C’est le début d’une longue amitié entre les deux hommes et d’une fidèle collaboration qui donnera lieu à de nombreuses expositions.

Originellement lié à des traumatismes d’enfance vécus à Belgrade [l’artiste est né en 1935] pendant la Seconde Guerre mondiale, l’art de Velickovic n’a cessé de se confronter à la violence du monde et à l’horreur répétée des exterminations qui eurent lieu dans son pays d’origine. Cette puissante et singulière expression du tragique explique la résonance actuelle de l’œuvre. Une œuvre forte qui n’est pourtant pas encore « à sa place », déplore le galeriste.

La Figuration narrative réévaluée à la hausse

De son vivant, l’œuvre de Vladimir Velickovic entre 60 000 et 100 000 euros pour les grands tableaux. Il y eut aussi des collaborations avec des galeries internationales comme Marlborough à Londres, Forni à Bologne, Kaj Forsblom à Helsinki…

L’artiste a été acheté par de nombreux collectionneurs en France, Belgique, Italie, Scandinavie, Asie, Serbie, entre autres. Mais aussi par de grands musées, plus de 40 dans le monde entier dont les plus prestigieux (le MoMA de New York, la Tate à Londres, le Musée national d’art moderne et le Musée d’art moderne de la Ville de Paris). Bien que l’un des derniers achats institutionnels se soit élevé à 200 000 euros (pour un triptyque acquis par le Musée national de Chine à Pékin), l’œuvre de Velickovic demeure sous-évaluée. Comme l’explique Vuk Vidor, fils de l’artiste : « Aujourd’hui ces prix sont problématiques car ils reflètent un manque de travail de fond sur l’œuvre de la part des maisons de ventes, qui pratiquent des prix trop bas, à hauteur ou en dessous de 60 000 euros, ce qui profite aux marchands serbes qui les rachètent pour les revendre beaucoup plus cher à Belgrade par exemple. »

Ce problème de sous-évaluation des œuvres sur le marché est symptomatique de l’art français, en particulier celui de la génération de Velickovic. D’après Patrice Trigano, les artistes de la Figuration narrative ont connu une « période de purgatoire de marché ». Toutefois depuis quelque temps, certains en « sortent » et commencent à voir leurs prix réévalués à la hausse, c’est « le cas de [Gérard] Fromanger ou de [Bernard] Rancillac ». Cela pourrait être le cas de Velickovic. Le marché suivra si l’on en croit l’actuel mouvement de relecture de l’œuvre par les musées et les institutions.

Vladimir Velickovic,
jusqu’au 4 novembre, Galerie Patrice Trigano, 4 bis, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Veličković, un artiste sous-coté

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