Foire & Salon

Une « année prototype »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2006 - 1176 mots

Le retour d’une partie de la FIAC au Grand Palais a favorisé l’arrivée d’importantes galeries étrangères. Le pari du multisite avec la Cour carrée du Louvre reste toutefois risqué.

L'édition 2006 de la FIAC est une année prototype », martèlent à l’envi Jennifer Flay et Martin Bethenod, respectivement directrice artistique et commissaire général de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), à Paris. Décidément, la foire parisienne use et abuse du concept de « prototype ». Voilà deux ans, l’arrivée de Jennifer Flay marquait déjà « l’année I » du renouveau ! Ces deux années « pilotes » ont ceci en commun qu’elles prennent le pari du multisite. Aux halls 4 et 5.1 de la porte de Versailles se substituent deux nouvelles implantations, le Grand Palais pour les galeries établies et la Cour carrée du Louvre pour les plus jeunes propositions. Ce choix de sites patrimoniaux se démarque du côté mode privilégié lors des deux dernières éditions. « Si on cherche à Paris un espace grand, visible et central, il y a de fortes chances de tomber sur des lieux patrimoniaux, indique Martin Bethenod. Ce serait absurde de nier que Paris a une dimension de “ville-musée”, mais notre manière de l’appréhender n’est pas patrimoniale. » L’écartèlement sur deux sites pourrait néanmoins provoquer une déperdition des visiteurs. Celle-ci était déjà de l’ordre de 20 % entre les deux halls mitoyens de la porte de Versailles. La FIAC n’aurait-elle pas mieux fait d’attendre l’obtention du Petit Palais voisin ou d’un autre espace plus proche avant de déserter le 15e arrondissement ? D’autant plus que, question proximité, la foire off « Show off Paris » se révèle plus près du Grand Palais que la Cour carrée ! « Nous avons mis en place un système performant pour relier les deux sites, précise Martin Bethenod. Mais de toute façon, les modes de visite diffèrent d’un visiteur à l’autre. Les gens ne cherchent pas nécessairement une lecture complète de A à Z d’une foire. »
Quoi qu’il en soit, la capitalisation du Grand Palais a suscité une augmentation de 25 % des candidatures par rapport à l’an dernier. Un flux que les organisateurs ont peiné à gérer, car dans le même temps, la FIAC perdait aussi 25 % en surface. Après avoir été épinglée pour son provincialisme, la foire monte en grade et s’internationalise à hauteur de 55 %. Le très net sursaut qualitatif s’exprime par l’arrivée de 41 nouvelles galeries, et non des moindres comme Sadie Coles HQ (Londres, lire p. 17), Barbara Gladstone (New York), Michael Werner (Cologne), Jablonka (Cologne) ou Leonard Hutton (New York). Les recrues de 2005, ainsi Eva Presenhuber (Zurich) ou Hauser & Wirth (Zurich, Londres), sont de retour. Même certains exposants mécontents des conditions d’exposition l’an dernier, comme Esther Schipper (Berlin), sont de la fête. Celle-ci expérimente avec une vingtaine de ses confrères des stands en duplex dotés de murs peints, remplaçant les cloisons gainées de tissu. Une prestation qui pourrait s’étendre l’an prochain à l’ensemble des
participants.

Un seul secteur « jeunes »
Alors, un bâtiment peut-il, seul, changer le sens giratoire du marché de l’art ? « Le Grand Palais n’est pas le seul élément pour attirer les grosses galeries, sinon on les aurait vues sur d’autres foires qui s’y sont tenues cette année », réplique Jennifer Flay. Il faudra toutefois que les nouvelles recrues soient suffisamment motivées pour ne pas lésiner sur la qualité. Or un Robert Landau (Montréal), qui présenta l’un des meilleurs stands de la Biennale des antiquaires en septembre, compte valoriser, plutôt que son artillerie lourde – Picasso et Dubuffet –, ses chevaux contemporains comme le Belge Yves Zurstrassen. Certaines galeries françaises ne ménagent pas non plus leurs efforts. Yvon Lambert (Paris, New York) prévoit deux one-man shows de Bertrand Lavier et Claude Lévêque, tandis que Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) donne le change avec Tony Cragg. Dans une sphère plus ancienne, Applicat-Prazan (Paris) exhume Gérard Schneider et Louis Carré & Cie (Paris) mise sur Eduardo Arroyo. C’est le meilleur de la Figuration narrative que propose Thierry Salvador (Paris), avec un mélange d’œuvres historiques de Jacques Monory et de Gudmundur Erró. La teneur de la plupart des accrochages reste toutefois floue, car beaucoup d’exposants ont vu leur emplacement et leur métrage changer à plusieurs reprises…
Point positif du déménagement, la segmentation absconse entre « Future Quake » et « Perspectives » se trouve résorbée à la Cour carrée. Ce site regroupe les têtes chercheuses tels Jocelyn Wolff (Paris), Blow de la Barra (Londres) – lequel prévoit un one-man show de Federico Herrero –, ou Catherine Bastide (Bruxelles) et même des galeries parisiennes plus installées comme Suzanne Tarasiève (Paris) et Polaris (Paris). Comme ses concurrentes, la FIAC guigne du côté des périphéries, en invitant Nature Morte (New Delhi), dont le programme fait écho à la manifestation « Lille 3000 », ou encore Raster (Varsovie). Autre bonne initiative, dont profiteront surtout les propositions émergentes, la FIAC et la Fondation d’entreprise Ricard invitent pendant quatre jours dix jeunes critiques d’art internationaux (projet « ICI »). Une manière de les initier à la richesse de la scène hexagonale. Mais, pour avoir plutôt communiqué sur le retour au Grand Palais, la FIAC a perdu en chemin quelques candidats comme Shanghart (Shanghai). La jeune mais déjà puissante galerie Bortolomi-Dayan (New York) s’est aussi désistée après avoir découvert son emplacement au Louvre. Une perte peut-être regrettable, car l’époux de l’une des associées n’est autre que le collectionneur Adam Lindemann.

Le design fond
Installé aussi dans la Cour carrée, le secteur design, qui faisait l’originalité de la FIAC au point d’être repris en chœur par d’autres salons, s’est délesté de deux exposants. Les promoteurs de la foire « Design Miami », Kreo et Patrick Seguin, ont déclaré forfait, faute d’être logés au Grand Palais. Un manque de pièces pourrait aussi expliquer ces retraits. En revanche, les Parisiens Downtown, Jousse Entreprise et Mouvements Modernes (Paris) restent fidèles au salon. « Pourquoi partir, alors que la FIAC a été la première à lancer un secteur design ? », s’interroge Pierre Staudenmeyer, directeur de Mouvements Modernes. Ce dernier surprendra sans doute les visiteurs en mêlant une gravure de Goya à une planche de surf de John Galliano pour Dior et à une attelle d’Eames. L’arrivée d’Ulrich Fiedler (Cologne) donne un coup de fouet au Modernisme, du Bauhaus à de Stijl. Toutefois, le rapprochement géographique du design et des jeunes galeries reste illogique en termes financiers. Car les prix d’une table éclairante de Jean Prouvé sont plus proches de ceux d’un Picasso tardif que de ceux d’un artiste émergent !

Fiac 2006

- Commissaire général : Martin Bethenod - Directrice artistique : Jennifer Flay - Nombre d’exposants : 168 - Tarifs des stands : 345 euros le mètre carrré au Grand Palais ; 250 euros le mètre carré à la Cour carrée - Nombre de visiteurs en 2005 : plus de 83 000 26-30 octobre, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris et Cour carrée, accès rue de Rivoli, 75001 Paris www.fiacparis.com, les 26, 27, 28 et 29 octobre 12h-21h, le 30 octobre 12h-17h.

Points forts au Grand Palais Côté moderne, la Galerie 1900-2000 (Paris) ne déroge pas à ses cabinets surréalistes en proposant notamment une huile de Picabia de 1938 et une autre de Man Ray, intitulée Le Cavalier. L’escarcelle des Waddington Galleries (Londres) comprend une Vache de Jean Dubuffet, d’importantes peintures récentes de Robert Rauschenberg spécialement réalisées pour la FIAC ainsi que quelques œuvres de Peter Blake des années 1960. Leonard Hutton (New York) panache un tableau de Joseph Albers de 1961 avec une sculpture en marbre de 1964-1965 de Jean Arp baptisée Coquille bâillante. Zlotowski (Paris) rend hommage encore et toujours à l’œuvre picturale de Le Corbusier. Jablonka (Cologne, Berlin) joue une carte sexy avec une grande peinture suggestive de 1981 intitulée First Sex et un bronze de 1997, Hysterics of Love d’Eric Fischl. Un vernissage ne saurait se dérouler sans performance. Massimo Furlan, présenté par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris), déambulera donc dans les allées du Grand Palais le 25 octobre habillé en superman. Histoire pour le superhéros de veiller sur le devenir de l’art contemporain. Fraîcheur à la Cour carrée Aline Vidal (Paris) se concentre sur Didier Trenet avec une installation baptisée Jus de ballon et composée d’un rideau de verres à vin, lesquels vibrent au passage des visiteurs. Schleicher Lange (Paris) accorde un statement à Laurent Montaron. Celui-ci présentera un nouveau film en relief, What Remains is Future, ainsi que l’installation sonore à l’affiche au Printemps de septembre, à Toulouse. Aliceday (Bruxelles) défend pour sa part les dessins et peintures d’une jeune artiste belge encore méconnue, Charlotte Beaudry. Pour sa première participation, Nogueras Blanchard (Barcelone) confirme sa francophilie avec des vidéos de Marine Hugonnier et François-Xavier Courrèges, tout en montrant quelques photos de ses poulains espagnols, Esther Partegàs et Wilfredo Prieto. Isabella Bortolozzi (Berlin) prévoit quant à elle une installation discrète de Leonor Antunes et une sculpture de Seth Price réalisée à partir d’un blouson d’aviation compressé.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°245 du 20 octobre 2006, avec le titre suivant : Une « année prototype »

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