ARTS PREMIERS

Un Parcours des mondes au mieux de sa forme

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2018 - 857 mots

Des pièces de haute volée, une collection qui fait rêver, des marchands satisfaits, une grande affluence et beaucoup d’étrangers…, l’événement est un succès. Seul regret : un manque de jeunes et nouveaux collectionneurs.

Paris. Le Parcours des mondes, qui a refermé ses portes le 16 septembre, vient une nouvelle fois de démontrer qu’il est l’événement numéro un pour les arts premiers. « Les marchands ont tous très bien vendu. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux réalisent en cinq jours d’exposition entre 50 et 75 % de leur chiffre d’affaires », a commenté Pierre Moos, son président. Comme les années précédentes, il y avait foule au vernissage et les marchands ont très vite conclu des ventes. Certains ont même vendu avant même l’ouverture de la manifestation – les collectionneurs avertis ne voulant pas prendre le risque de rater un objet –, à l’exemple de Bernard Dulon pour sa pièce phare, un masque Dan de la collection René Rasmussen, qu’a emporté un collectionneur privé étranger. « Nous avons enfin revu des Américains cette année et il y avait beaucoup de conservateurs. C’est une très belle édition avec un public très savant », a déclaré le marchand. Tous les participants ont confirmé avoir vu beaucoup d’étrangers : américains, allemands, italiens, hollandais, suisses… Les musées américains n’ont pas hésité à faire le déplacement, comme le National Museum of African Art (Smithsonian, Washington), le Metropolitan Museum of Art (New York) ou le Musée d’art de Saint-Louis (Misssouri).

Si le meilleur côtoie parfois le pire – car la soixantaine de participants n’avaient pas tous le même niveau –, certaines des collections et pièces présentées ont fait cette année des envieux. L’ensemble exposé par Jean-Baptiste Bacquart a ainsi particulièrement retenu l’attention. Et pour cause, il s’agissait de la collection du cheikh qatari Saud ben Mohammed al-Thani, décédé d’une crise cardiaque en 2014, un ensemble dont la famille souhaitait se dessaisir. « C’était un passionné, a indiqué le marchand. Il a constitué cette collection d’art africain et océanien entre 2010 et 2014 en achetant sans être conseillé, tant en ventes publiques que chez des marchands. Il n’a pas acheté de grands classiques mais il avait un goût, un œil, c’est pourquoi chaque objet a un charme fou et tous ont un très bon pedigree. » Parmi eux, un masque Bwa (Burkina Faso) provenant de la collection mythique Marcia et John Friede, actuellement objet d’une négociation avec une grande institution publique (800 000 €). « Je connaissais bien le cheikh car j’habite aussi à Londres. Voilà pourquoi la famille a préféré passer par moi plutôt que par Christie’s ou Sotheby’s », confie Jean-Baptiste Bacquart. Sur les 113 objets présentés, pour des prix allant de 6 000 à 800 000 euros, 70 ont trouvé preneur.

Autre succès, celui de Guilhem Montagut (Barcelone) qui avait programmé une exposition sur la statuaire Dogon (Mali) : « J’ai pratiquement tout vendu sur les vingt-cinq objets présentés. » Chez Abla & Alain Lecomte aussi, les affaires sont allées bon train. Le couple de marchands qui exposait des objets liés à la médecine a cédé une vingtaine de pièces entre 5 000 et 60 000 euros. « C’était pourtant risqué car ce sont des objets très chargés », a souligné le marchand. Ben Hunter (Londres), qui présentait une trentaine d’appuis-tête provenant d’Afrique, des îles Fidji, de Papouasie, de Chine ou encore du Japon, a vendu toutes ses pièces phares.

L’une des œuvres les plus spectaculaires de cette édition se trouvait chez Entwistle (Londres) : il s’agit d’une Figure d’ancêtre Uli, de Nouvelle-Irlande (Mélanésie), XIXe siècle (plusieurs millions d’euros, [voir ill.]). Collectée en 1909, elle provient de la collection André Heinrich. « D’habitude, nous ne montrons ce type d’œuvre qu’à nos gros clients mais cette année nous avons décidé de dévoiler cette pièce historique d’Océanie, a expliqué la directrice de la galerie. Elle est d’une qualité exceptionnelle. Lance Entwistle n’en connaît que trois ou quatre de cette qualité. »

Une partie infime de marchands étaient cependant déçus, ainsi Anthony Meyer : « Je suis étonné du manque de répondant pour mes “noix de coco” [des formes ou ustensiles sculptés dans la noix de coco, Nouvelle-Guinée, NDLR] que je collectionne depuis vingt-cinq ou trente ans. Tout le monde adore mais personne n’achète. Si la clientèle ne fait pas son travail, les marchands ne pourront pas faire le leur ! » De même, plusieurs exposants se désolaient de n’avoir pas rencontré, parmi leurs nouveaux clients, des vocations chez la jeune génération.

Des arts asiatiques moins recherchés

Du côté des arts asiatiques, c’était plus calme. « Je suis satisfait car je suis rentré dans mes frais et j’ai rencontré quelques nouveaux clients. Il y avait beaucoup de passage et j’ai pu céder des pièces entre 10 000 et 50 000 euros », a commenté Christophe Hioco. Une sculpture d’Apsara restait cependant toujours disponible, à 200 000 euros. Enfin, chez Philippe Boudin (galerie Mingei), l’exposition « Supranatural crânes, squelettes, fantômes et démons » a fait mouche puisque, sur les 80 objets présentés, plus du tiers d’entre eux sont partis, tel un plat en bois orné d’un crâne, d’un sceptre zen et d’un rosaire, ère Meiji (1868-1912). Il avait été exposé au Musée du quai Branly-Jacques Chirac lors de la récente exposition « Enfers et fantômes d’Asie ». Un argument de vente supplémentaire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Un Parcours des mondes au mieux de sa forme

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