Phénomènes de foire

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 octobre 2004 - 737 mots

Octobre, le marathon commence : Art Forum Berlin, Frieze à Londres, la Fiac à Paris, Cologne à la charnière du mois, toutes ces foires s’enchaînent avant que les collectionneurs ne foncent se réchauffer dans leur paradis qu’est Miami.

Frieze joue encore cette année le rôle d’outsider dans cette brochette de foires suscitant la curiosité du public spécialisé et des grandes galeries américaines. L’an dernier, la petite Anglaise née de la volonté du magazine d’art contemporain éponyme talonnait de quelques jours la Fiac, on en avait donc déduit qu’elle se posait là en rivale de l’increvable foire hexagonale. Les Français s’étaient donc rués à Londres pour constater les dégâts plus moraux que financiers, le branché préférant plus certainement la sélection londonienne. Car la liste des têtes de pont du marché allemand, suisse et surtout américain, mêlées aux meilleures galeries britanniques, est impressionnante. Devant une telle force d’attraction, quatre cents galeries se sont précipitées sur les candidatures cette année et seules cent quarante ont été retenues, parmi lesquels les poids lourds new-yorkais Gagosian, Gladstone, Mathew Marks, Goodman, Sperone Westwater ou Zwirner, ou suisses comme Art & Public, Hauser & Wirth, Presenhuber, Kilchmann, Mai 36 et un nombre impressionnant de noms branchés berlinois – Arndt & Partner, neu, EIGEN ART, Nagel, Thumm – , écossais – The Modern Institute, Transmission, doggerfisher – et bien sûr londonien de Coles à White Cube. Pour 2004, Frieze précède la Fiac de quelques jours. Cela aura-t-il une influence sur les volumes monétaires échangés entre les collectionneurs et les galeries ? L’an dernier, la cadette avait affiché une bonne santé financière en établissant la fourchette des ventes totales entre 16 et 20 millions de livres sterling et espère encore faire mieux. Y a-t-il un risque dès lors pour la foire hexagonale de voir revenir bon nombre de collectionneurs de Londres, les portefeuilles allégés et l’œil fatigué de tant d’art ? La réponse se trouve chez des galeries très respectées comme l’Anversoise Micheline Szwajcer, plus impulsives comme la New-Yorkaise Parker’s Box ou chez les quelques Françaises solides comme Lambert, Perrotin, Crousel, Obadia, Rech ou Art Concept. Elles se rendent à Londres et enchaînent avec Paris, sachant pertinemment où se situe le bénéfice de l’image. À Frieze, la folie, l’excitation, l’assurance de voir se concentrer en une soirée le gratin du monde de l’art contemporain, de défricher, de pouvoir dénicher une très jeune artiste est garantie. La foire anglaise mise tout sur le super contemporain et le people, de l’architecte de ses pavillons temporaires installés dans Regent’s Park (David Adjaye) à son design graphique signé par les stars Graphic Thought Facility, à un impressionnant programme de conférences et de productions. Car les « à-côtés » sont désormais des atouts indispensables pour qu’une foire ait la cote, Bâle en a fait la preuve. Frieze n’a pas une telle puissance de feu mais a tout de même demandé à la commissaire d’exposition Polly Staple de sélectionner neuf projets d’artistes produits pour la foire. Une bonne partie d’entre eux ont créé des éditions qui seront distribuées gratuitement et constitueront à n’en pas douter des multiples très enviés. On pourra peut-être entrer en possession du second journal autobiographique d’une jeune fille ordinaire (Living and Loving n° 2) signé Aleksandra Mir et tiré à 10 000 exemplaires, d’un plan alternatif de la foire signé Adam Chodzko, ou d’un plan du métro londonien remanié par Emma Kay et devenu véritable jeu de mémoires collectives et il sera même possible de danser avec Los Super Elegantes (un groupe de mariachi punk) dans un environnement signé par le graphiste brésilien assume vivid astro focus. Un véritable traitement VIP offert au commun des mortels, une manière d’attirer encore plus de visiteurs (l’organisation en attend 40 000 cette année contre 27 000 l’an dernier), et d’attiser un peu plus l’excitation qui s’emparera des amateurs d’art à la mi-octobre. Il y aura ceux qui y étaient, et les autres. Reste à savoir si la foire les transformera en acheteurs. En dernier recours (et pas des moindres), Frieze s’est assuré le soutien du Fonds spécial d’acquisition au bénéfice de la Tate dont l’enveloppe est dotée par des collectionneurs. L’an dernier, ce fonds a permis l’achat pour 100 000 livres tout de même d’œuvres d’Olafur Eliasson, Anri Sala, Yukata Sone ou Fikret Atay pour le compte de l’institution anglaise. Un joli coup de pouce.

Frieze Art Fair, 15-18 octobre, LONDRES, Regent’s Park Ville, tél. 00 44 207 692 00 00, www.friezeartfair.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : Phénomènes de foire

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