Dans un marché contraint, les tableaux les plus cotés sont réservés pour les États-Unis.
Londres. Les ventes du soir dénommées « Old Masters » (maîtres anciens) des 2 et 3 décembre de Christie’s et Sotheby’s ont totalisé 43 millions de livres frais compris (49,5 M€), un chiffre en hausse de 14 % par rapport à 2024 mais loin derrière leur estimation haute fixée à 49,2 millions de livres.
Ces résultats confirment une évolution profonde du marché : si Sotheby’s arrive largement en tête (30,6 M£ [35 M€] contre 12,7 M£ [14,5 M€] pour Christie’s), c’est non parce qu’elle disposait d’une offre abondante, mais parce qu’elle a réussi, cette saison, à réunir les seuls lots réellement dignes d’une vente du soir. Une situation conjoncturelle car, selon les années, l’avantage passe d’une maison à l’autre au gré des œuvres qu’elles parviennent à rassembler.
La lecture de tous les catalogues de cette session de ventes révèle une situation plus critique : à peine 30 lots « maîtres anciens » par vente – et pas mal de casse (taux de vente : 63 % pour Christie’s, 76 % pour Sotheby’s) –, complétés par des œuvres du XIXe siècle, russes, ou des estampes, pour maintenir artificiellement un certain volume. Cette dilution confirme la raréfaction de l’offre dans la discipline.
Le choix stratégique est désormais clair : les pièces majeures sont réservées aux vacations de New York en février. « À Londres, la moitié des espaces d’exposition était consacrée à la promotion des ventes américaines, reléguant Londres à un rôle secondaire. Cela s’accentue depuis deux ou trois ans », observe l’expert en tableaux et dessins anciens Nicolas Joly.
Dans ce paysage contraint, les résultats témoignent d’une sélectivité extrême du goût. Les primitifs flamands et allemands, les portraits nordiques au naturalisme presque contemporain, ou les œuvres inédites, de qualité muséale, dépassent toujours les estimations. Ainsi, le triptyque représentant Les Cinq Miracles du Christ, du Maître du triptyque de l’aumônerie de Sherborne [voir ill.], a été adjugé 5,6 millions de livres (6,4 M€) chez Sotheby’s, au-delà de son estimation de 3,5 millions. De même, les Brueghel de très grande qualité, à l’instar du Dénombrement de Bethléem parti à 5,2 millions de livres (5,9 M€) chez Sotheby’s, continuent d’être recherchés. C’est bien entendu aussi le cas des œuvres caravagesques, des Rembrandt et des sujets frappants.
Mais le marché des paysages hollandais et flamands classiques s’effondre, hors tableaux de tout premier ordre. La Marine de Willem van de Velde, un paysage de Marten van Valckenborch chez Sotheby’s ainsi que la vue de Bruxelles de Jan van Goyen chez Christie’s n’ont ainsi pas trouvé preneur. « Ce renversement du goût, entamé depuis une décennie, s’installe durablement », note l’expert.
L’ambiance en salle reflète cette tension : activité minimale, marchands silencieux, enchères presque exclusivement téléphoniques ou en ligne. Exception faite d’un Rubens acquis par le marchand anglais Simon Dickinson (une esquisse pour le Martyre de saint Paul).
Nicolas Joly rappelle toutefois que, malgré des adjudications nettement plus fortes à Paris ces dernières semaines – du Guido Reni (12,4 M€) au Jean-François de Troy (4 M€) chez Artcurial, en passant par une Crucifixion de Rubens (2,9 M€) chez Osenat –, il est prématuré d’y voir un déplacement durable du centre de gravité : « Paris ne supplante pas Londres, du moins pas encore, dans le domaine des maîtres anciens. »
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Maîtres anciens, Londres fait la courte échelle pour les ventes de New York
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°667 du 12 décembre 2025, avec le titre suivant : Maîtres anciens, Londres fait la courte échelle pour les ventes de New York





