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Les équations poétiques de Jean-Michel Pancin

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 27 novembre 2013 - 549 mots

La galerie Ouizeman présente les «Â Dédales » de Michel Pancin, un labyrinthe où l’artiste cherche la distance à l’être rêvé, celui que l’on aimerait être, celui que l’on tend à être.

PARIS - Il y a plein d’équations dans l’exposition de Jean-Michel Pancin. On en découvre même une, écrite sur le sol dès l’entrée de la galerie, et correspondant au « Seuil de Verlaine (v) », qu’on franchit pour accéder à la seconde qui égale, elle, la « Mobilité du rêveur ». Là, pour ne pas se cogner tout de suite au « Plafond de Rimbaud (r) » (la troisième), il faut prendre son temps et regarder sur les murs les six diptyques.

Chacun d’entre eux présente en sa partie gauche un schéma d’une grande précision, mi-dessin, mi-diagramme, et à gauche la photo de la mise en scène, bien réelle, du croquis en question. Histoire de rappeler que les mathématiques et la géométrie ont toujours su dessiner leur part de poésie, de rêve, voire d’humour. Et que d’une formule apparemment incompréhensible à sa transcription en images, il n’y a souvent qu’un simple battement d’aile.
Car c’est bien de rêve et d’ailes dont il s’agit ici. Initié par Jean-Michel Pancin et ensuite mis en forme avec ses acolytes Xavier Guichet (mathématicien) et Raphaël Mognetti (sculpteur), le projet intitulé « Dédales » (référence au père d’Icare et à l’idée de labyrinthe) était au départ pensé pour être un livre (ce qui est d’ailleurs le cas). Il s’est ensuite mis en relief avec cette exposition conçue comme un rébus. Car une fois l’entrée passée, l’énigme initiale se répercute et reflète dans trois miroirs ovales qui renvoient à trois variables. Sur le premier, on peut ainsi lire l’inscription « être réel », autrement dit ce que l’on est, sur le second « être vécu », ce que l’on pense être et sur le dernier « être rêvé », ce que l’on rêve d’être, chacun surmonté de la lettre « l », telle l’écriture phonétique de l’objet volant.

L’équation à trois inconnues est posée et va se résoudre, s’éclairer, se décliner en 44 énigmes mathématiques illustrées par autant de modélisations (dans le livre) et dans l’exposition par les six diptyques précités, mais aussi par une vidéo, des photos en grand format, une sculpture sous forme de gyroscope et une installation. Et d’une œuvre à l’autre, la récurrence d’une grande et magnifique aile en bois, sorte de moteur à vent de l’histoire et structure métaphorique planante, évoque évidemment Icare et son utopie. De situations souvent burlesques aux clins d’œil au champ artistique (Ophélie, le saut dans le vide d’Yves Klein, Philippe Ramette, des crucifixions…), en passant par des références psychanalytiques (Lacan), mythologiques, scientifiques, l’ensemble évoque de belle manière les notions de distance (notamment celle entre « le rêve héroïque et le rêve papillon »), de force d’attraction de l’être, de temps et de vitesse, du moi tout seul et du moi social, de la trinité des grâces (la connaissance, la vertu et le plaisir)… et nous fait constamment permuter, comme nous y invite un vrai commutateur, du réel à l’imaginaire.
Pour revenir sur terre et compte tenu de la diversité des œuvres, leur cote oscille entre 800 euros, pour une feuille lumineuse, et 8 000 euros pour le gyroscope. Histoire également de rappeler le théorème selon lequel, le prix d’une œuvre est le prix qu’on est prêt à payer pour se voir dans le miroir ou voir au-delà.

Jean-Michel Pancin,

jusqu’au 11 janvier 2014, Galerie Odile Ouizeman, 10-12 rue des Coutures St Gervais, 75003 Paris, tél : 01 42 71 91 89, www.galerieouizeman.com ou www.projetdedales.fr, mardi-vendredi 14h-19 h, samedi 11h-19h.

Nombre d’œuvres : 25
Prix : entre 800 et 8 000 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Les équations poétiques de Jean-Michel Pancin

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