Galerie

Jonathan Monk remixe l’histoire de l’art

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2023 - 508 mots

La galerie Dvir expose les installations photographiques sur aluminium de l’artiste britannique, inspirées d’Ed Ruscha.

Paris. Pourquoi arpenter le quartier de Sunset Boulevard, le vieil appareil photo argentique de son père en bandoulière ? Jonathan Monk (né en 1969) feint de se poser la question en exergue de sa nouvelle série « Metallic Sunsets ». Bien sûr, Ed Ruscha et son fameux livre Every Building on the Sunset Strip (1966) guide ses pas ce jour de 1997, quand il réalise quelques clichés en noir et blanc des rues perpendiculaires à la célèbre artère de Hollywood. Monk ne s’en est jamais caché, au contraire : il aime mettre en scène les œuvres d’art minimales et conceptuelles de ses glorieux aînés, Dan Flavin, Sol LeWitt ou Douglas Huebler dans un jeu de citations et de réappropriation présupposant qu’il est « quasi impossible » de faire preuve d’originalité en art. 

Réminiscences visuelles

Hommage ou remix, à chacun d’apprécier la part d’insolence et de distance critique à l’œuvre chez l’artiste britannique. Ainsi ses « Deflated Sculptures » (2009), versions déballonnées des sculptures gonflables de Jeff Koons pouvaient-elles passer pour une illustration de l’effondrement du marché de l’art et de ses valeurs. Ses réinterprétations de l’environnement urbain immortalisé par Ed Ruscha sont imprimées sur des supports DiBond en aluminium qui leur confèrent un fini argenté, à l’instar des effets obtenus grâce aux filtres utilisés sur les réseaux sociaux. Ces images à l’esthétique vintage servent de support à d’autres éléments juxtaposés avec parcimonie : ici le texte de présentation d’une exposition de Charles Ray, là un gros plan sur un plat en sauce épicé ou encore l’arrêt sur image d’un film avec l’actrice Gena Rowlands. Comme si ses déambulations dans le temps et dans l’espace étaient balisées par des réminiscences visuelles, le souvenir d’une visite en galerie, d’une séance de cinéma ou d’une halte dans un restaurant asiatique – possible allusion aux « Time Capsules » d’Andy Warhol. Des formes géométriques pâles (rond, carré, triangle) caviardent aussi le paysage à la manière d’un tableau de John Baldessari. 

Un recul ironique

Chaque panneau comporte un dispositif d’étagères métalliques accueillant des objets issus de la grande distribution, paquet de céréales, produit d’hygiène, etc., dont les emballages sont assortis aux autres éléments, selon un principe d’harmonisation qui place au même niveau, produits de consommation courante et référents culturels. Cela fait penser à la série « Drum & Bass » de Mathieu Mercier, jeu sur la grille moderniste de Piet Mondrian et de l’architecture de Manhattan conçu lors d’un séjour à New York, consistant en un assemblage d’objets industriels de couleurs rouges, jaunes et bleus agencés sur des étagères noires. Chez Mathieu Mercier, comme chez Monk, la ville sert de décor à une composition qui rappelle l’histoire de l’art tout en soulignant le statut pris par les objets. Dans les deux cas, les œuvres requièrent une dose d’humour et de culture de la part du spectateur. Formellement très séduisants, les « Sunsets » de Jonathan Monk (24 000 euros pièce) marquent également son retour à Paris, où son travail fut longtemps représenté par Yvon Lambert et où la Dvir Gallery le montre pour la première fois.  

Jonathan Monk, Metallic Sunsets

jusqu’au 23 mars, Dvir gallery, 13, rue des Arquebusiers, 75003 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°606 du 3 mars 2023, avec le titre suivant : Jonathan Monk remixe l’histoire de l’art

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque