Foire & Salon

FOIRES D’ART CONTEMPORAIN

Frieze London et Paris+ par ceux qui « font » les deux foires

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2023 - 941 mots

Une quarantaine de galeries participent à la fois à Frieze London et à Paris+ par Art Basel : pourquoi ? comment ? Quelques explications.

Londres, Paris.« Starting Sunday » : c’est le nouveau nom d’« Un dimanche à la galerie », qui, le 15 octobre, a marqué le coup d’envoi de la semaine de l’art à Paris, le jour précisément où Frieze London a pris fin. Cet anglicisme signifie-t-il qu’avec Paris+ par Art Basel le monde anglophone est davantage présent dans la capitale et qu’il est souhaitable de s’adresser à lui de façon manifeste ? Jusque-là, les territoires semblaient en effet bien délimités. « Nous participons à Frieze London depuis 2015, relate Philippe Joppin, de la galerie High Art (Paris). À l’époque de la Fiac, nous constations une nette différence entre les deux foires. Les Anglo-Saxons fréquentaient davantage Frieze London. C’était un peu moins vrai l’an dernier. Lors de la première édition de Paris+ par Art Basel, on y a vu plus d’Américains et moins de Français. Il faudra voir ce que cela donne cette année. » D’après Jean Frémon, le PDG de la galerie Lelong & Co. (Paris, New York), « il ne fait pas de doute que, depuis qu’Art Basel a remplacé la Fiac, un nombre grandissant de collectionneurs américains choisissent d’aller à Paris plutôt qu’à Londres ». La galerie participe à Frieze depuis 2013. « Les premières années, nous étions dans le secteur “Frieze Masters”, spécialisé dans l’art ancien et moderne. En 2018 et 2019 nous avons cumulé Frieze Masters et Frieze London avec des accrochages plus contemporains sur cette dernière, que, depuis, nous privilégions. »

Le monde des foires semble bien, pour sa part, divisé en deux. D’un côté, Frieze London a fêté ses 20 ans cette année ; sa petite sœur Frieze Masters a été lancée aux mêmes dates en 2012. Frieze se décline à New York, Los Angeles et Séoul. L’empire comporte également l’Armory Show à New York et Expo Chicago, rachetées il y a quelques mois. Art Basel se déploie pour sa part à Bâle, Miami Beach, Hongkong et Paris. Alors que Frieze London [11-15 octobre 2023] précède d’une semaine Paris+ par Art Basel [19-22 oct.], 40 galeries exposent successivement à Londres puis à Paris. Huit d’entre elles sont présentes à la fois à Frieze London, Frieze Masters et Paris+ par Art Basel.

Pour les enseignes basées à Paris, Frieze London concentre à deux heures quinze d’Eurostar un autre public de collectionneurs, mais aussi de curateurs, d’Amis de musées, d’institutionnels… « Nous y rencontrons toujours de nouveaux clients et de nombreux projets muséaux y ont été initiés. Toutes les grandes foires ont à la fois un public international qui se déplace et un public local spécifique », note Jean Frémon. Installée à Londres, Marie-Laure de Clermont-Tonnerre y a fondé en 2015 « Spirit Now London ». Ce club de plus de cent mécènes et collectionneurs rassemble essentiellement des femmes de tous les pays du monde, dont l’Égypte, l’Iran, le Kazakhstan, le Pérou… Depuis 2022, une quinzaine d’entre elles décernent pendant la tenue de Frieze London le prix d’acquisition « Spirit Now London. Donation à un musée », – il est destiné cette année à mettre en lumière le travail des artistes femmes de moins de 40 ans. « Londres est plus ouvert à l’international, estime Marie-Laure de Clermont-Tonnerre. Et les institutions y comptent davantage qu’en France sur le soutien des mécènes privés. » La dimension cosmopolite et multiculturelle de la métropole londonienne, véritable « hub » international du marché de l’art, est soulignée par tous les marchands. « Il ne faut pas sous-estimer le très grand nombre de collectionneurs étrangers très actifs qui y sont basés : italiens, iraniens, sud-américains, libanais, israéliens… Beaucoup soutiennent les musées. La Tate compte ainsi un nombre infini de mécènes de tous pays », souligne pour sa part Samia Saouma, directrice de la Galerie Max Hetzler (Berlin, Paris, Londres).

Plus de curateurs à Londres qu’à Paris

Réputée pour son profil de foire « éditorialisée », Frieze London serait par ailleurs davantage fréquentée par les curateurs. Frieze Masters inaugure ainsi cette année une nouvelle thématique, « Modern Women », consacrée aux artistes femmes de la période 1880-1980, dont le commissariat a été confié à la Française Camille Morineau (cofondatrice et directrice d’Aware). Perrotin y a été invité à présenter des œuvres d’Anna-Eva Bergman, dont la galerie collabore avec l’estate depuis 2022. « Nous participons à Frieze London depuis 2004. Nous avons saisi cette opportunité de proposer pour la première fois au Royaume-Uni une présentation personnelle de l’artiste, afin de faire rayonner son œuvre à l’international », explique la galerie.

Conçoit-on différemment son stand selon que l’on prend part à Frieze London ou à Paris+ par Art Basel ? « Oui, nous aurons deux présentations très différentes, détaille Philippe Joppin : abstraite à Londres, autour du travail d’Héloïse Chassepot et de Charlotte Houette…, et figurative à Paris, avec notamment des pièces de Julien Creuzet, qui représentera la France lors de la prochaine Biennale de Venise [en 2024]. » Pour des raisons de logistique interne, « à Frieze, le stand de Lelong & Co. est géré par l’équipe de New York, explique quant à lui Jean Frémon. Ceux de nos artistes que nous ne représentons pas à New York n’y sont donc pas montrés ». Il faut en tout cas être très motivé pour affronter les lourdeurs administratives post-Brexit. Facilitées l’an dernier, elles s’imposent cette année implacablement aux galeristes, qui doivent s’acquitter des formalités pour sortir de l’Europe, entrer en Angleterre et faire le chemin inverse. « Cela revient environ à 1 000 euros par pièce », calcule un marchand. Ces tracasseries ne suffisent cependant pas à départager les deux foires qui rivalisent par ailleurs de professionnalisme du point de vue de l’organisation : « Nous sommes très bien traités dans les deux cas », assure Philippe Joppin.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Frieze London et Paris+ par ceux qui « font » les deux foires

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