Législation

Experts : retour à la case 1985

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 2 avril 2004 - 730 mots

Après l’adoption par le Parlement de la loi du 11 février 2004, le statut des experts judiciaires et des experts
en ventes aux enchères publiques a été réformé. Analyse d’une uniformisation attendue.

Le Parlement a adopté le 11 février la loi portant réforme du statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, dont les experts judiciaires et les experts en ventes aux enchères publiques. Le JdA a rendu compte du projet (lire le n° 174, 27 juin 2003). Les nouvelles dispositions légales reconstituent pratiquement la situation qui prévalait jusqu’en 1985. Elles rouvriront peut-être le dialogue jusqu’alors figé entre les experts et le Conseil des ventes.
Parmi les quelques dispositions de la loi touchant les experts en ventes publiques figurent la question de la responsabilité et celle de la possibilité conditionnelle d’intervenir dans les ventes qu’ils contrôlent.

Sortir d’un régime à deux vitesses
La loi de réforme des ventes aux enchères du 10 juillet 2000 avait installé un régime à deux vitesses selon que les experts étaient ou non agréés par le Conseil des ventes volontaires. En effet, la loi de 2000 précisait que l’expert agréé par le Conseil des ventes était « solidairement responsable avec l’organisateur de la vente pour ce qui relève de son activité ». Ceci reconstituait à peu près la situation prévalant entre 1956 et 1985, lorsque le décret du 21 novembre 1956 fixant le tarif des commissaires-priseurs prévoyait la responsabilité solidaire du commissaire-priseur et de l’expert pour les indications des catalogues. Cette disposition avait disparu lors de la parution du décret du 20 mars 1985 modifiant le tarif. En revanche, l’expert agréé semblait pouvoir bénéficier indirectement de la prescription plus stricte des actions en responsabilité professionnelle, le délai de dix ans étant désormais compté à partir de l’adjudication, alors que le régime de droit commun de l’article 2270-1 du code civil décompte la prescription de dix ans à partir de la manifestation du dommage, ce qui peut conduire à des délais d’actions pratiquement illimitées. Conséquence : un régime de responsabilité devenu presque illisible et de nature à détourner les organisateurs de ventes des experts agréés par le Conseil des ventes, puisque, en traitant avec des experts agréés, les SVV pouvaient se trouver solidairement responsables d’eux.

Responsabilité et équité
La loi du 11 février (art. 57) aligne les régimes en modifiant l’article L 321-17 du code de commerce pour stipuler que, comme les SVV et les officiers ministériels, « les experts qui procèdent à l’estimation des biens […] engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes ». Le texte n’opérait pas de distinction entre experts agréés ou non.
La même loi (art. 58-1) étend à tout expert, « qu’il soit ou non agréé », l’obligation d’assurance de responsabilité professionnelle et la responsabilité solidaire, avec l’organisateur de la vente, devoirs édictés par l’article L 321-3 du code de commerce, résultant de l’article 33 de la loi du 10 juillet 2000, mais jusqu’alors applicables aux seuls experts agréés.
Enfin, l’article 58-2 étend à tout expert, « qu’il soit ou non agréé », l’article L 321-35 du code de commerce lui interdisant « d’estimer ou de mettre en vente un bien lui appartenant ni de se porter acquéreur directement ou indirectement pour son propre compte d’un bien dans les ventes aux enchères publiques auxquelles il apporte son concours ». La loi a cependant assoupli cette prohibition en complétant l’article L 321-35 d’un alinéa prévoyant que, « à titre exceptionnel, l’expert peut cependant vendre, par l’intermédiaire d’une personne mentionnée à l’article L. 321-2, un bien lui appartenant à condition qu’il en soit fait mention dans la publicité ».
Il faut rappeler que le décret de novembre 1956 prévoyait « qu’aucun expert ne [pouvait] intervenir dans une vente où figure des objets lui appartenant ». Le petit assouplissement introduit ne fait que placer les experts sur le même plan que les organisateurs de ventes auxquels la loi du 10 juillet 2000 avait consenti cet assouplissement codifié en L 321-4 du code de commerce. Cette double mesure avait d’ailleurs été mal vécue par les experts, considérant que la loi témoignait d’une confiance à géométrie variable selon les opérateurs.
Ce nivellement législatif, avec retour à peu près au régime qui prévalait de 1956 à 1985, permet de simplifier le dispositif. Il rouvrira peut-être le dialogue entre les experts et le Conseil des ventes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Experts : retour à la case 1985

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