Galerie

Bernard Jordan : « Le marché se porte plutôt bien »

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 23 février 2022 - 909 mots

PARIS

Porté par le succès de ses artistes, le galeriste de la rue Charlot a inauguré un second espace rive gauche, à Paris.

Vous avez inauguré, en janvier, une nouvelle adresse rue Guénégaud. Pourquoi ce choix ?

Je cherchais depuis longtemps un lieu dans le quartier Saint-Germain. C’est un lieu très agréable, que j’aime beaucoup pour sa dimension – c’est un petit quartier de quelques rues – et pour sa diversité – des galeries d’art contemporain à côté de galeries du second marché, d’antiquaires, etc. – qui doit ramener une autre clientèle. L’espace fait 80 m2, soit le double de celui de la rue Charlot.

Allez-vous conserver l’espace de la rue Charlot ?

Mon bail court encore pour au moins un an. Je me laisse donc le temps de réfléchir et de voir si je conserve ou non cet espace.

Vous avez ouvert votre première galerie en 1984. Comment se porte celle-ci aujourd’hui et, de manière plus globale, le marché de l’art ?

Le marché se porte plutôt bien. Les deux dernières années de pandémie ont été, pour moi, de bonnes années, qui ont coïncidé avec des expositions d’artistes qui ont attiré beaucoup d’attention, comme Nina Childress, Elmar Trenkwalder et Renée Levi. La grande vague de la fin des années 1980 a été une bulle financière qui a éclaté avec la crise du Golfe. Ensuite, la pente a été longue à remonter. Mais, depuis vingt ans, la France compte beaucoup plus de collectionneurs, de fondations et de grandes collections qu’auparavant. C’est positif.

La concurrence aussi est plus nombreuse…

C’est vrai, mais le marché est aussi plus actif. La question qui se pose est davantage celle de la fréquentation des galeries. Il y a eu des périodes de hauts et de bas depuis trois ans, le moment le plus terrible ayant été la période des « gilets jaunes » où plus personne ne venait acheter dans les galeries. Cela a été terrible.

Vous avez participé à la Fiac online en 2021. Le numérique est-il une solution ?

Pas du tout. Globalement, le numérique est très déceptif. Évidemment, on communique mieux grâce aux réseaux sociaux – la directrice de ma galerie est d’ailleurs spécialisée sur le sujet –, et cela joue un rôle. Mais pour les ventes, le contact direct avec les œuvres est encore nécessaire.

Comment voyez-vous le remplacement de la Fiac par Art Basel, et comment envisagez-vous l’avenir de Paris ?

Quand je parle avec des Suisses [Bernard Jordan a eu un espace à Zurich, ndlr], ils me disent que la foire de Bâle est finie et que le marché va désormais se déplacer à Paris. Ce serait évidemment une bonne chose pour la ville. Mais quand je lis la presse française, j’observe l’inverse. Nous verrons donc avec le temps. Pour moi, tout va se jouer là : je ne suis pas sûr que deux foires aussi proches géographiquement soient durables.

Les galeries françaises sauront-elles continuer à s’organiser et rester dynamiques face à Art Basel à Paris ?

Sans aucun doute, oui. Une foire contribue à l’essor du marché mais elle n’est pas la seule déterminante. C’est la multiplication des foires off et des événements qui compte. Entre le Brexit, l’arrivée des grandes galeries à Paris et, aujourd’hui, la foire de Bâle, la concurrence est certes multipliée, mais tout cela est bon pour le marché.

Quelle est la ligne de la galerie ?

C’est une question à laquelle j’ai toujours des difficultés à répondre. J’ai commencé dans les années 1980-1990 par une ligne abstraite, que j’ai ouverte ces dernières années. J’ai un choix extrêmement varié de formes (entre la peinture figurative de Nina Childress, la sculpture d’Elmar Trenkwalder et l’abstraction de Renée Levi, par exemple), parce ce que je ne veux justement rien m’interdire. Quand je suis convaincu par un artiste, je veux pouvoir le montrer, et ne pas rester enfermé dans une ligne.

Vous représentez près d’une vingtaine d’artistes, dont Vincent Barré, François Bouillon, Paul van der Eerden, Marine Pagès, Éric Poitevin… N’est-ce pas beaucoup ?

Je ne peux pas imaginer travailler avec une équipe fermée. Évidemment, cela pose des problèmes – l’idée d’avoir deux espaces me plaît, pour me permettre de proposer une double programmation et des expositions régulières aux artistes. Mais tous les artistes ne travaillent pas au même rythme : certains demandent beaucoup de temps pour produire une exposition, d’autres non. D’autres encore exposent beaucoup, il faut donc gérer les transports d’œuvres, etc. Il faut pouvoir s’adapter.

Vos artistes exposent régulièrement dans les institutions. Nina Childress est actuellement au Frac MÉCA à Bordeaux, et bientôt au Musée des beaux-arts de Rouen ; Alexandre Léger est, lui, au Musée d’Évreux…

J’aime beaucoup les musées, et j’ai beaucoup de respect pour les conservateurs qui font un métier difficile. J’ai voulu moi-même devenir conservateur de musée, mais l’enseignement de l’histoire de l’art était à l’époque trop scolaire pour moi. Donc, dès l’origine de ma galerie, j’ai fait le tour des musées en France, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas… Chaque voyage que j’ai pu faire pour visiter un musée a toujours débouché sur quelque chose. Une partie essentielle de mon travail consiste à trouver des expositions dans les institutions pour mes artistes.

Des projets ?

Faire une foire aux États-Unis fait partie de mes envies. Je réfléchis aussi à refaire une foire en Europe – j’aimerais bien retourner à Art Genève. Mais je ne suis pas un fan des foires. Sans les nier non plus, il ne faut pas les surestimer.

Galerie Bernard Jordan, 12, rue Guénégaud, Paris-6e ; et 77, rue Charlot, Paris-3e. www.galeriebernardjordan.com

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°752 du 1 mars 2022, avec le titre suivant : Le marché se porte plutôt bien

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque