Foire & Salon

FOIRE D’ART CONTEMPORAIN

Art Paris, une édition plus sélective dans un marché calme

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2024 - 932 mots

PARIS

De plus en plus attentive à la cohérence des propositions, la foire a, semble-t-il, satisfait plusieurs marchands, bien que les transactions aient été un peu lentes.

Paris. Voilà des mois que le marché est calme et que les amateurs d’art se font rares dans les galeries. À l’horizon, mai et ses ponts à rallonge propices aux week-ends bucoliques, puis l’été et les JO, pendant lesquels les Parisiens vont fuir la capitale. On comprendra que dans ces conditions, et dans l’attente d’une hypothétique reprise à la rentrée prochaine, Art Paris ait fait aux marchands – surtout ceux qui ne participent ni à Art Brussels, fin avril, ni à Art Basel mi-juin – l’effet d’une oasis dans le désert. Attention cependant aux mirages.

De l’avis général, l’édition de la foire qui s’est terminée dimanche 7 avril était l’une des meilleures sur le plan de la sélection. Toujours plus rigoureuse, la liste des 136 participants avait par exemple fait en sorte d’éliminer les présentations redondantes – ainsi, seules trois galeries, Strouk Gallery et Koren Gallery (Paris), ainsi que Ernst Hilger (Vienne), étaient positionnées sur la Figuration narrative et la Figuration libre, avec des œuvres de Valerio Adami, Robert Combas, Erró… Quelques accrochages témoignaient aussi d’un effort et d’un soin particuliers, à l’image de celui de Jeanne Bucher Jaeger. Ici le motif mosaïque des peintures de Maria Helena Vieira da Silva répondait au mur de céramiques tridimensionnel et aux pierres volcaniques émaillées de Maria Ana Vascos Costas, tandis que la très grande toile Matière-Lumière aux teintes terreuses d’Evi Keller dialoguait avec une cape Yi en laine de yak du début du XXe siècle évoquant les sculptures en feutre de Joseph Beuys. Au centre du Grand Palais éphémère, ce stand de grande dimension ne désemplissait pas et Véronique Jaeger se disait ravie de l’atmosphère cordiale de la foire. « Nous sommes revenus à Art Paris depuis 2020. Ce n’est pas une foire très ouverte à l’international, mais les rapports avec les visiteurs y sont agréables car les questions portent sur les œuvres et pas seulement sur les prix », observait-elle. Dimanche, la galerie avait vendu des éditions de Guillaume Barth, des petites sculptures en fil de cuivre d’Antonella Zazzera, des huiles sur bois de Miguel Branco ainsi qu’une édition de Louise Nevelson (Night Blossom). Restait, à quelques heures de la fermeture, à trouver la « bonne destination » pour l’œuvre d’Evi Keller avoisinant les 95 000 euros et à poursuivre les discussions entamées, notamment autour des toiles de Vieira da Silva.

La foire a changé, en mieux : on n’aurait pas vu un Degottex minimaliste en évidence dans les allées secondaires il y a encore quelques années. Pour sa première participation, la Galerie ETC (Paris) n’a pas hésité en effet à mettre en avant un Report écru II (1977) du peintre français (230 000 €), en vis-à-vis d’un grand tableau de Charles Pollock. Bilan ? « Très positif, selon Thomas Benhamou, le fondateur de la galerie, avec des touches très sérieuses sur ces deux pièces qui devraient partir au prix demandé dans les jours à venir. »

Si les œuvres affichées entre 3 000 et 15 000 euros étaient largement majoritaires, dans ce contexte frileux, ce ne sont pas nécessairement celles qui se sont le mieux vendues. Sans doute les collectionneurs actifs étaient-ils en effet davantage attirés par des noms connus et des investissements sûrs. Comme ce grand tableau de Djamel Tatah acquis environ 70 000 euros par une conseillère en art pour une collection du Moyen-Orient sur le stand de la Galerie Poggi (Paris).

« Art Paris a toujours été une foire où les marchands vendaient bien, mais elle n’avait pas une bonne image, rappelle Guillaume Piens, son directeur artistique. Or le regard a changé lors de ces dernières éditions ; cette année on a vu plusieurs responsables d’institution dans les allées. » Outre le cortège VIP formé par Brigitte Macron et Hélène Arnault, de passage vendredi, de petites délégations muséales ont en effet sillonné le Grand Palais éphémère. La H Gallery (Paris), qui revenait pour la septième fois à Art Paris, se félicitait ainsi d’avoir vu sur son stand « des gens du Cnap et du Centre Pompidou ». La robe en dentelle d’os de volaille de Corine Borgnet (Amours éternelles, 2023, autour de 80 000 euros, a par ailleurs valu au stand un bouche-à-oreille favorable, de même que les peintures sur calque de Sarah Jérôme, retenues par le parcours « Fragiles utopies, une scène française » conçu par Éric de Chassey.

De nombreux marchands se disaient satisfaits, comme la galerie Suzanne Tarasiève (Paris), avec notamment les Forêts en carton d’Eva Jospin, ou encore Yvon Lambert (Paris) : « c’est bien mieux que l’année précédente », décrétait ce dernier. Son stand a sans doute bénéficié du coup de projecteur du prix attribué par une banque dont la lauréate est l’une de ses artistes, Nathalie Du Pasquier. Cette récompense dotée de 30 000 euros traduit l’engagement de l’établissement bancaire aux côtés de la foire. « En amont des délibérations du jury, nous avons sondé 30 000 de nos clients sur la scène française à partir de la sélection d’Éric de Chassey, relatait Nicolas Otton, un directeur de la banque. 5 000 d’entre eux ont répondu, et parmi eux, 40 % se sont déclarés collectionneurs. » C’est encourageant.

Loin de toute frénésie d’achat, les visiteurs d’Art Paris ont cependant fait preuve de beaucoup de curiosité mais de peu d’entrain, les collectionneurs se montrant particulièrement lents à se décider, rapportent plusieurs galeristes, maintenus jusqu’au dernier jour dans l’attente de voir des options se confirmer. Ceux qui, à l’instar de la galerie Felix Frachon (Bruxelles), sur le secteur « Promesses », ont réalisé « un quasi sold out » pendant la foire mesurent donc leur chance.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°631 du 12 avril 2024, avec le titre suivant : Art Paris, une édition plus sélective dans un marché calme

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