Analyse

Appropriations et réappropriations

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 507 mots

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Cette formule de Lavoisier sied aux clins d’œil, citations et réf(v)érences des artistes contemporains aux vaches sacrées de l’histoire de l’art. Dans les années 1980, Sherrie Levine et Mike Bidlo avaient fait de l’appropriation leurs fonds de commerce. Vingt ans plus tôt, Elaine Sturtevant et Raymond Pettibone s’étaient saisis des œuvres du pop art en les réduisant à des formats miniatures. Ce, bien avant qu’elles n’acquièrent un statut historique ou médiatique.
Cette année l’appropriation a été monnaie courante sur Art Basel et sa noria de foires alternatives (lire p. 26). Sur Statements, la galerie Raster proposait les pastiches photographiques de la Polonaise Aneta Grzeszykowska. Celle-ci a rejoué les différents autoportraits de Cindy Sherman en se substituant à l’artiste américaine. Sur Volta Show, chez Mihail Andreiana, c’était l’artiste roumain Ciprian Muresan qui s’emparait de la Nona Ora, le pape écrasé par une météorite de Maurizio Cattelan. Avec une légère variation puisqu’il a remplacé le guide spirituel des catholiques par un pope. Sur Art Unlimited, le collectif danois Superflex poussait plus loin l’idée en intitulant Copy right une installation de chaises Fourmi du designer Arne Jacobsen. Une façon de questionner la notion d’original et d’auteur.
Certains savourent mal l’appropriation qu’ils assimilent à du plagiat. En 2005, une controverse a été lancée par Vanessa Beecroft dans un entretien au magazine Vanity Fair. L’artiste italienne jugeait certaines œuvres de Maurizio Cattelan trop proches de son propre travail. À sa façon, l’accusé a répondu dans le quotidien britannique The Guardian : « Est-ce que Warhol a volé l’identité de Marilyn Monroe quand il l’a peinte ? Et que faisait Cézanne ? Volait-il des pommes ? Dans l’art, tout ce que vous pouvez faire à la fin, c’est vous approprier ce qui vous entoure. Ce n’est jamais du vol. Au mieux, c’est un emprunt. Contrairement aux voleurs, les artistes rendent toujours les biens volés. »
On l’aura compris, l’appropriation est une figure rhétorique de l’art actuel. Sauf lorsqu’elle résulte d’une amnésie ou d’une ignorance. Elle relève dès lors de la resucée. Malheureusement, beaucoup de nouveaux acheteurs ont une connaissance de l’histoire de l’art qui remonte, dans le meilleur des cas, jusqu’en 2000.

Connaissances lacunaires
Cette méconnaissance génère parfois des situations cocasses. Sur Art Brussels en 2006, la galerie Aline Vidal présentait les pigeons de Jean-Luc Vilmouth, exposés en 1982 à la Biennale de Venise. Plusieurs visiteurs les ont confondus avec les volatiles empaillés réalisés une décennie plus tard par Cattelan. L’intérêt de certains acheteurs s’est d’ailleurs émoussé lorsque la galeriste a rectifié leur méprise !
Le milieu de l’art est parfois tellement infatué de lui-même qu’il fabrique aussi ses propres pastiches. Sur Volta Show, la galerie Grace Li présentait des peintures du Chinois Zheng Guogu reprenant les images d’Art Basel téléchargeables sur le site Internet de la foire. Pour 84 000 dollars, on pouvait emporter une grande toile représentant les visiteurs de la foire regardant en 2006 la coupe du monde de football sur des écrans installés dans le patio de la Messe. Une appropriation taillée sur mesure pour les art setters.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Appropriations et réappropriations

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