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Les 50 glorieuses de Maxime Old

Par L'Œil · L'ŒIL

Le 1 mai 2000 - 997 mots

Une exposition à Paris montée par Yves Gastou et un ouvrage des éditions Norma écrit par Yves Badetz célèbrent ce mois-ci le talent de Maxime Old, architecte-décorateur des années 40 qui connut sa plus grande gloire lors de la décennie suivante. Des meubles d’acajou et de métal à l’élégance aérienne.

Maxime Old restera toujours un enfant du Faubourg. Ce Faubourg Saint-Antoine où il aiguise son œil chez son père ébéniste, où il assimile l’esprit de Ruhlmann chez qui il fait ses vraies classes, après de brillantes études à l’école Boulle. Ruhlmann est son maître, celui dont il gardera les secrets du savoir-faire. Celui dont il devra aussi se défaire. Ébéniste raffiné, Old aura néanmoins l’intelligence et la curiosité de regarder vers d’autres matériaux que le bois où il excelle, et de capter le présent plutôt que de copier ou indéfiniment interpréter le passé. Sans se départir de ce « beau métier » cher au Faubourg, il emploiera aussi bien l’ébène de Macassar « godronné » ou le sycomore « ondé » que le formica, la glace gravée par Pansart et la moquette écossaise ! Il créera aussi bien un argentier en bois laqué noir qu’un bahut rustique en chêne, un bar luxueux de paquebot qu’un hall d’aérogare... Sa prouesse réside dans un juste milieu. Il réussit à concilier l’inconciliable : la préciosité au confort, la tradition au fonctionnalisme. Il opère cette réconciliation avec naturel, et c’est ce qui plaît. Très ingénieux, il se joue avec aisance du répertoire du meuble traditionnel, qu’il parvient à réinventer sans avoir l’air d’y toucher. Jusqu’en 1970 il a son propre atelier qui lui permet, contre vents et marées, d’assurer le financement de ses créations. Une chance et un handicap. Chance d’avoir sous la main tous les ouvriers nécessaires lui permettant de réaliser un meuble très rapidement. Handicap de devoir faire tourner cet atelier coûte que coûte, le privant un peu de sa liberté de création.

Légèreté et aérodynamisme
Old a la passion du matériau mis en valeur par le dessin. Il aime structurer. Jamais rien de mou ou de trop fantasque. Le mobilier est net, les espaces ordonnés. Il connaît une brève tentation néoclassique avec des ferrures en forme de masques antiques et beaucoup de boules en bronze. Il ne cède pas à la mode néo-baroque. Dans le mouvement général du « remeublement » de la France, il s’essaye après la guerre au néo-rustique, utilisant le chêne et le noyer, la céramique, mais dans des formes qu’il souhaite légères. Puis dans les années 60, il va jusqu’à utiliser l’acier brossé, la laque orange ou le nylon jaune pour canner ses chaises ! Maxime Old est le décorateur qui sait rester élégant en toutes occasions, à toutes les époques. Il est proche en cela de la démarche d’un Gio Ponti, auquel ses meubles des années 50 font souvent penser dans la légèreté et l’aérodynamisme. Old excelle également dans le meuble à transformations, à systèmes, à mécanismes astucieux. Il aime rallonger ou raccourcir, escamoter, faire tourner ou coulisser. Ses bureaux et ses bibliothèques sont des merveilles d’agencements invisibles. Personne n’a imaginé autant de tables à usages différents : table à jeu pivotante, table dite « portefeuille », table-gigogne, tables juxtaposables, table-guéridon, table-console, table « sauterelle », table à ouvrage... Elles se plient, se déplient, renferment tiroirs, tablettes, boîtes cachées, comme au XVIIIe siècle ! Sa passion pour l’assemblage des matières et la perfection des finitions, lui fait construire des meubles très élaborés. Cependant l’extérieur reste toujours épuré. Old est un escamoteur né. Pour mieux camoufler, il recouvre. Il gaine de cuir les meubles, il couvre les murs de boiseries, dissimulant placards, bars et bibliothèques...

Un mobilier de plus en plus aérien
Habiller, revêtir en bois est presque une obsession. Ses lambris, par contre, ne sont pas décorés. Pour leur donner quand même du nerf et du rythme, Old « nervure » : il emploie habilement des lignes horizontales. Moulures de chêne ou baguettes de merisier clair strient les murs, rehaussent le dessin du meuble. Il encadre les portes et vantaux de filets d’ors, de miroir biseauté, de rebords, de liserés en saillie mais aussi de moulurations, en creux cette fois-ci. Pour alléger le meuble, il le surélève. Par le bas, grâce à un socle « détaché », reposant souvent sur les fameuses boules. Par le haut, en doublant le plateau des tables, consoles ou meubles d’appui, superposant les deux plates-formes de manière espacée. Au fil des ans, son mobilier se fait de plus en plus aérien. Ses meubles phares demeurent son chevalet-secrétaire tout anguleux, dont l’apparent déséquilibre préfigure les angles pointus de Jean Prouvé, la chaise-longue qu’il crée en acajou pour sa femme et en merisier pour le Salon des Artistes décorateurs de 1955, et ses grands fauteuils club aux bras et dossiers cannés faits pour l’hôtel Marhaba de Casablanca en 1953. Autres points forts : ses motifs récurrents comme l’étoile, le carré. Il soigne les ferrures et les entrées de clef, souvent piquées au centre d’un panneau comme un bijou sur une robe. On retrouve, à des échelles différentes, la forme de l’étoile déclinée en roue ou en soleil sur les plateaux de table marquetés ou gravés, en rose des vents dans des lustres, en miroirs à huit branches. Ou la forme du carré soulignée au centre des vantaux des buffets et des commodes, en dalles, en caissons, en céramique cloisonnée.
Ce répertoire, cet équilibre et cette habileté atteignent leur zénith à la fin des années 40 et pendant les années 50 où les commandes privées succèdent aux commandes publiques, les paquebots aux hôtels de luxe, les Salons à l’enseignement. Rarement la carrière d’un ébéniste devenu décorateur se sera déroulée avec autant de logique, de variété, de constance, prouvant que l’on peut évoluer sans se trahir et mettre à profit toutes les qualités du traditionnel « beau métier ».

- PARIS, galerie Yves Gastou, 16 mai-15 juillet. À lire : Yves Badetz, Maxime Old, éd. Norma, 320 p., 350 ill., 550 F.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°516 du 1 mai 2000, avec le titre suivant : Les 50 glorieuses de Maxime Old

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