La reconversion du faussaire Wolfgang Beltracchi

Par Suzanne Lemardelé · lejournaldesarts.fr

Le 13 février 2012 - 442 mots

COLOGNE (ALLEMAGNE) [13.02.12] – Si sa condamnation à six ans de prison en octobre dernier a mis fin à la carrière de faussaire de Wolfgang Beltracchi, son goût pour la provocation semble, lui, toujours intact. Le peintre se lance aujourd’hui dans une nouvelle activité, en collaboration avec un ami photographe : des toiles à son nom sont en vente sur un site internet, entre 15 000 et 25 000 euros pièce. PAR SUZANNE LEMARDELÉ

Sous un portrait à fond noir, six bâtons, comme tracés sur le mur d’une cellule, rappellent la peine de prison de Wolfgang Beltracchi. La page d’accueil du site « Beltracchi Project » donne le ton d’emblée : humour et provocation sont les maîtres-mots de ce nouveau projet, fruit d’une collaboration entre le faussaire allemand et l’un de ses amis photographe, Manfred Esser.

Sur le site, disponible en quatre langues, les deux hommes proposent à la vente des photographies de Manfred Esser, peintes par Beltracchi. Une manière de faire de chaque image « une pièce unique », selon les deux hommes. Car leur projet a pour ambition de repenser le concept d’authenticité d’une œuvre d’art, rien de moins. « De la symbiose de la peinture et de la photographie naît une tension créative dans laquelle le cheminement de la peinture des siècles passés s’exprime de manière contemporaine. La question "Qu’est-ce qu’un original ?" se pose à nouveau », affirment-ils.

Leur commerce surfe bien sûr sur la popularité du très médiatisé peintre-faussaire, qui a bénéficié d’une relative bonne presse outre-Rhin depuis le début de son procès. Les médias ont en effet relayé avec délectation son récit romanesque et ses traits d’esprit. Une section du site est d’ailleurs consacrée à l’histoire du trafic et insiste sur les 35 années durant lesquelles Beltracchi a dupé « maisons de ventes et galeries renommées » avant d’affirmer avec aplomb que « sous l’angle pénal, les travaux de Beltracchi sont à considérer comme des faux mais sous l’angle artistique il s’agit pour chaque peinture d’un tableau autonome et original. »

La première série de toiles proposée, visible dans la section « galerie » du site, décline un portrait en buste de Beltracchi sur un fond évoquant les forêts de Max Ernst, l’un des artistes les plus copiés par le faussaire. Celui-ci avait notamment réussi à berner Werner Spies, spécialiste du peintre surréaliste, qui avait expertisé sept fausses toiles de l’artiste. Les acheteurs floués lui réclament maintenant des dédommagements. Des photos immortalisant la réalisation des peintures ainsi qu’une vidéo du making-of complètent cette vitrine du nouveau travail du peintre. Avec des prix oscillant entre 15 000 et 25 000 euros selon son associé, Wolfgang Beltracchi peut se réjouir dans sa cellule : le manque de reconnaissance qui l’avait poussé à devenir faussaire semble bien appartenir au passé.

Légende photo

Capture d'écran de la page d'accueil du site du « Beltracchi Project », &copy Beltracchi Project.

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