La municipalité de Milan émet des doutes sur l’attribution au Caravage des dessins du « Fonds Peterzano »

Par Doriane Lacroix Tsarantanis · lejournaldesarts.fr

Le 9 juillet 2012 - 642 mots

MILAN (ITALIE) [09.07.12] – Alors que les experts Maurizio Bernardelli Curuz et Adriana Conconi Fedrigolli ont publié les résultats de leurs recherches dans deux livres numériques, la mairie, appuyée par d’autres spécialistes, invite à « la prudence » concernant l’attribution définitive au Caravage des dessins et peintures découverts au château Sforzesco.

Maurizio Bernardelli Curuz et Adriana Conconi Fedrigolli, auraient retrouvé plus d’une centaine d’œuvres de jeunesse du Caravage, après avoir dirigé des travaux de recherches pendant plus de deux ans, dans des églises à Milan et dans les environs de Bergame, ainsi que sur le Fonds Peterzano. Les dessins et peintures en question font partie de la collection du château Sforzesco à Milan, abritant les 1 378 dessins du « Fonds Peterzano ». Celui-ci doit son nom au peintre Simone Peterzano, chez lequel Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, a fait ses débuts artistiques entre 1584 et 1588, encore adolescent.

Bernardelli Curuz, directeur artistique de la Fondation Musées de Brescia, estimant qu’il « était impossible qu'il n'y ait aucun témoignage de l'activité du Caravage entre 1584 et 1588 dans l'atelier d'un peintre qui était à l'époque célèbre et recherché », a mis au point une méthode permettant de trouver le « standard géométrique » du Caravage. Le site Avvenire explique que 83 des dessins retrouvés et attribués par les experts à Caravage, auraient été « réutilisés à plusieurs reprises dans les œuvres adultes » du maître, ce qui prouverait d’après les experts que le jeune peintre aurait quitté Milan « avec des standards, des modèles (...) prêts à être utilisés dans ses peintures romaines ».

Les chercheurs ont publié leurs conclusions dans deux e-book intitulés « Le Jeune Caravage - Découverte de cent œuvres inédites », qui sont proposés au public depuis le 6 juillet 2012. Le premier tome présente également un billet écrit de la main du Caravage, qui a fait l'objet d'une étude graphologique menée par Anna Grasso Rossetti, mais également un supposé premier autoportrait, ainsi que le visage de Constance Sforza Colonna, la marquise protectrice du Caravage.

La municipalité de Milan, propriétaire du château Sforzesco et du Fonds Peterzano, n’a pas hésité à exprimer ses doutes en l’absence d’une véritable confirmation de l’attribution : « nous serions très heureux d'avoir la confirmation que c'est vrai ». Elena Conenna, porte-parole pour la culture de la mairie de Milan, a expliqué à l’AFP que la municipalité n’avait été informée de rien : « nous découvrons tout à la veille de la sortie d'un e-book de deux experts qui ne sont pas venus récemment au château et c'est pourquoi nous invitons à la prudence ». Elle précise que « ces deux experts ne sont pas venus au cours des deux dernières années visiter le Fonds ». La communauté scientifique serait également sceptique, les deux chercheurs étant peu connus des spécialistes d’après le Corriere della Sera. Les dessins ont par ailleurs été examinés auparavant par des experts renommés, tels que Maurizio Calvesi, Giulio Bora, Mina Gregori ou Maria Teresa Fiorio, qui n’ont jamais penché vers cette thèse.

Rappelons qu’en 2010, une attribution trop hâtive avait été fondée sur les célèbres clairs-obscurs du Caravage. Le Vatican avait annoncé la découverte dans ses réserves, d’un tableau présentant les caractéristiques stylistiques du maître italien, et plus particulièrement, celle de l’utilisation du clair-obscur pour le rendu dramatique de la scène. La toile en question représentait le martyre de Saint-Laurent. Peu de temps après, Antonio Paolucci, directeur des Musées du Vatican, était revenu sur l’attribution de l’œuvre au Caravage.

La valeur des dessins et peintures du « Fonds Peterzano », sur lesquels se sont penchés les deux chercheurs italiens, atteindrait la somme de 700 millions d'euros. Ceux-ci auraient obtenu cette estimation en se basant sur le prix moyen de sept millions d'euros, correspondant aux prix des dessins des grands maîtres du XVIe siècle lors de récentes ventes aux enchères.

Légende photo

Michelangelo Merisi de Cavaraggio (1571-1610) L'incrédulité de Saint Thomas (1601-1602) - Huile sur toile - 107 x 146 cm - source Wikipedia 

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