Un Code de déontologie pour les fondeurs d’art

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1994 - 961 mots

Les difficultés rencontrées sur le marché des fontes de sculpture (prolifération des faux, tirages abusifs, difficultés d’interprétation et d’application des textes régissant la propriété artistique...) ont conduit les fondeurs d’art adhérents au Syndicat général des fondeurs de France, avec le concours du Syndicat des sculpteurs, de la Chambre nationale des commissaires-priseurs et du Comité des galeries d’art à mettre au point et à publier un code de déontologie.

Les principales dispositions introduites – ou codifiées – par ce texte, signé par ces quatre organisations le 18 novembre 1993, sont les suivantes (celles qui constituent des nouveautés sont portées en gras).

Les marquages devant figurer "de façon indélébile et normalement lisible" sur "toute œuvre d’art obtenue par fonderie", quel que soit l’alliage métallique utilisé : signature du sculpteur et, sur sa demande, date de création de l’œuvre), numéro de l’épreuve (voir ci-dessous), marque ou signature du fondeur et millésime de l’année de la fonte (en quatre chiffres). Ces mentions devront figurer dans l’épaisseur du métal (art. 1).

Trois appellations sont retenues pour la production de "toute œuvre d’art obtenue par fonderie"?: original, multiple, pièce unique. Le choix de l’appellation  "dépend de l’artiste", "doit être déterminé avant la réalisation de la première pièce" et est irrévocable (art. 2). Le texte précise (art. 6.2) que toute œuvre d’art refusée par l’artiste doit être détruite par le fondeur (qui devra en justifier si la destruction n’a pu être faite en présence de l’artiste).
Le texte défini les différentes appellations/modes de production de la manière suivante :

Original (art. 3) : reprenant les dispositions réglementaires déjà en vigueur, le texte prévoit qu’il ne peut être réalisé plus de 12 exemplaires, tout alliage ou patine confondus (le texte n’évoque pas le problème des dimensions).

Le texte unifie le mode de numérotage : les 4 épreuves d’artistes devront porter la mention EA suivie d’une numérotation en chiffres romains (n° de l’épreuve/nombre d’épreuves soit EA I/IV, EA I/V...). L’article 6.1 précise que, "lorsqu’une pièce doit servir de modèle", elle fera partie de la série des 4 épreuves d’artiste et sera marquée et numérotée comme celles-ci (exemple I/IV); elle devra, en outre, porter la mention "modèle" avec, le cas échéant, mention de la technique utilisée ; exemple de marquage : modèle - cire directe, nom du sculpteur, EA I/IV, nom du fondeur, date de la fonte. En pratique, se trouve ainsi créée une quatrième catégorie d’appellation.

Les 8 autres exemplaires originaux seront numérotées en chiffres arabes (n° de l’exemplaire / nombre d’exemplaires). "Les fondeurs s’interdisent tout autre marquage et notamment O, plusieurs O, HC, etc."

Multiple (art. 4) : La principale innovation de ce code est la création de cette catégorie considérée comme faisant partie des "œuvres d’art". Le verrouillage de cette nouvelle définition est assurée par le fait que le choix par l’artiste du mode d’appellation/production sous forme de multiples exclut la production simultanée pour la même œuvre d’originaux ou d’épreuves d’artiste (verrouillage complété par la prohibition de productions d’épreuves d’artistes ou de multiples pour les pièces uniques).

Le texte n’édicte pas de limites au nombre de tirages (les exemples de numérotation figurant dans le texte sont d’ailleurs assez élevés puisque sont cités des tirages à 300 exemplaires). Le texte impose la numérotation dès l’original (sans doute le premier exemplaire puisque le texte exclut la production d’originaux), avec référence immédiate au nombre de multiples prédéterminés par l’artiste (1/100...) et prohibe la production de multiples supplémentaires, même en cas d’utilisation d’alliage ou de couleur différents.
Le texte ne spécifie pas expressément le type de chiffres à utiliser pour la numérotation (caractères arabes ou romains ; les différents exemples donnés dans le texte sont en chiffres arabes). Même en supposant l’utilisation de chiffres romains, le risque de confusion avec les 4 épreuves d’artistes est faible puisque ces dernières devront porter la mention EA.
 
Pièce unique (art. 5) : il s’agit "d’une œuvre coulée en un seul exemplaire". Elle devra être marquée "PU" avec la précision le cas échéant "cire directe". Les épreuves d’artistes et les multiples sont interdits (le texte ne le précise pas mais il se déduit de la définition elle même que la production d’originaux autres que les épreuves d’artiste est également prohibée).

Parmi les dispositions diverses, le texte rappelle différentes dispositions légales ou réglementaires, en particulier :
L’alliage des pièces vendues comme "bronzes d’art" doit comporter au moins 65 % de cuivre (par rapport au poids de la pièce), selon les termes de la loi du 8 mars 1935 (JO du 10 mars 1935).

Les reproductions suivant les termes des articles 8 et 9 du décret du 3 mars 1981 devront porter de façon visible, lisible et indélébile, sur une partie apparente de la pièce, la mention "reproduction", suivie du millésime de la fonte en 4 chiffres.(le décret de 1981 n’impose pas le millésime)

Le texte inclut en référence (art. 6.5) la loi du 11 mars  1957, l’article 71 de l’annexe III du CGI (définition fiscale des œuvres d’art originales), le décret du 3 mars 1981, l’instruction n° 75-223 du 6 mai 1975 de la Direction générale des douanes (BOD n° 3117) et le décret n° 91-1326 du 23 décembre 1991.

Il faut évidemment garder à l’esprit que seules les productions à venir bénéficieront de ces dispositions. Il reste à savoir si les juges utiliseront ce texte comme repère pour asseoir leurs décisions, éventuellement pour mieux définir la notion d’œuvres d’art protégées au titre de la propriété artistique (en particulier en ce qui concerne la notion de multiples). La même question peut se poser en ce qui concerne la réglementation fiscale.

Mais, faute de moyen de dater avec précision les tirages de bronze, en particulier ceux réalisés au XIXe et XXe siècles, il restera possible aux fraudeurs de s’affranchir de ces règles en présentant les tirages comme des productions plus anciennes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Un Code de déontologie pour les fondeurs d’art

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