Colombie - États-Unis - Ventes aux enchères

Art précolombien

Vers un marché sous-marin ?

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2006 - 532 mots

La Colombie réclame six pièces vendues chez Sotheby’s à New York le 9 mai. Cette plainte fait suite à des interventions à Paris de pays d’Amérique latine pour empêcher la mise aux enchères d’objets précolombiens.

PARIS, NEW YORK - Six lots colombiens en or des cultures calima et sinu de la vente d’arts africains, océaniens et précolombiens du 9 mai à New York chez Sotheby’s font l’objet d’une plainte de la part de la Colombie. Selon le gouvernement de Bogota, ces objets considérés comme volés sur le site archéologique de Palmira, dans le sud-ouest du pays, seraient sortis illégalement du territoire colombien. La maison de ventes a accepté de conserver les cinq lots vendus (entre 7 200 et 21 600 dollars, soit 5 700 à 17 000 euros) pour une durée d’un mois, le temps pour la Colombie de prouver ses affirmations.
Une intervention plus musclée avait conduit Christie’s à retirer dix-sept lots d’art précolombien réclamés par la Colombie dans sa vente du 6 décembre 2005 à Paris. Après cette affaire, la maison de ventes a décidé de ne plus organiser de ventes d’art précolombien à Paris, déplaçant cette spécialité à New York. « Christie’s ne vend aucune œuvre d’art qui a été volée ou incorrectement exportée. Il existe un marché tout à fait respectable d’art précolombien, un marché public, transparent et légitime pour l’échange de ces articles. Chaque objet proposé revendique une provenance irréprochable », avait déclaré un porte-parole de la maison de ventes. Aujourd’hui, la possibilité d’interventions systématiques des pays d’Amérique latine sur les deux principales places internationales pourrait compromettre à terme la tenue de ventes publiques dans cette spécialité.

Pilleurs de tombes
L’expert parisien en art précolombien Jacques Blazy est inquiet pour l’avenir. L’Équateur, le Pérou et, à présent, la Colombie ont tenté d’empêcher le bon déroulement de ses ventes. « Comme mes confrères, je suis hyperprécautionneux sur la provenance légale des pièces vendues. En s’attaquant au marché transparent des ventes publiques, ces pays vont contribuer au développement d’un
marché sous-marin. » Dans un courrier du 16 mai qu’il nous a adressé, Son Excellence l’ambassadeur de Colombie à Paris, Miguel Gomez-Martinez, nous a indiqué qu’il ne « souhaite pas s’exprimer publiquement tant que les enquêtes en cours concernant les pièces précolombiennes du patrimoine colombien ne seront pas terminées ». Cependant, les intentions du gouvernement colombien apparaissent plus clairement dans une lettre du 22 février que Miguel Gomez-Martinez a adressée à Jean-Claude Binoche, en réponse à l’invitation du commissaire-priseur de venir examiner six objets colombiens de sa vente du 17 mars à Drouot : « Le gouvernement de Colombie s’oppose à toute vente d’objets faisant partie du patrimoine colombien en vertu de l’article 72 de la Constitution politique de la Colombie, car les pièces archéologiques ne sont pas considérées comme des objets d’art pouvant être vendus mais [comme] des objets faisant partie de la culture colombienne. » À l’issue de cette vente, la Colombie a déposé une plainte auprès d’Interpol concernant six statuettes en terre cuite quimbaya. « Elles étaient authentiques, de bonne provenance et sans intérêt archéologique », souligne Jacques Blazy. Mais, il y a quatre ans encore, antiquaires et huaqueros (pilleurs de tombes) travaillaient légalement dans le pays.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Vers un marché sous-marin ?

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