ICOM : une semaine de réflexion sur plaisir et musée

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Le 19 août 2013 - 581 mots

RIO DE JANEIRO (BRESIL) [17.08.13] - A l’occasion de sa 23ème Conférence Générale, le Conseil International des Musées (ICOM) a invité quelques intellectuels renommés à évoquer la place du musée dans la société.

Les orateurs conviés dans le magnifique auditorium de Barra da Tijuca, à Rio de Janeiro, ont scrupuleusement suivi le thème de cette rencontre triennale dicté par l’équation : « Musée (créativité mémoire) = progrès social ».

C’est le local de l’étape, Ulpiano Bezerra de Menezes, qui a eu l’honneur d’ouvrir le cycle de conférences. Invoquant Merleau-Ponty et Marcel Mauss, il a postulé la nécessaire sensorialité du rapport au musée. Le propos initial passionnant s’est malheureusement complexifié pour s’éloigner d’une perspective muséologique intelligible… Ecueil qu’a bien évité Jorge Melguizo, le lendemain : ce libre-penseur colombien est connu notamment en Amérique latine pour avoir accompagné la transformation de la ville de Medellin par une politique culturelle offensive. A Rio, il a expliqué et illustré sa vision pédagogique, festive et irrévérencieuse du lieu muséal.

On retient de l’action de Melguizo depuis 2006, outre la gratuité totale des musées, la construction des immenses parcs-bibliothèques, forums modernistes où près de cent mille personnes se cultivent et débattent chaque semaine. On retient aussi, sur le plan politique, l’explosion des budgets de la culture (de 0,5 à 5%) et de l’éducation (de 12 à 40% du budget municipal !). « Nos villes sont violentées avant d’être violentes », répète-t-il inlassablement pour justifier ces arbitrages forts. Les chiffres parlent : de plus de 300 homicides pour 100 000 habitants en 2000, record mondial, la ville est retombée en 2012 à 39, dans la moyenne nationale (ce qui reste très élevé, la France étant à 1,1 en 2012, à titre de comparaison - chiffres ONUDC).

« Le temps de l’intime » de Mia Couto
Jorge Melguizo n’a pas insisté sur le mode opératoire (dommage), mais sur la réflexion à la source de son action : « notre sentiment à l’entrée d’un musée est mêlé de respect, d’intérêt (au mieux) et de révérence, presque de peur. Il faut combattre cette crainte, souvent illégitime mais bien présente, de ne pas avoir le bagage culturel suffisant pour comprendre ». Melguizo a ensuite invité les conservateurs à s’intéresser au sentiment qui doit animer le visiteur à sa sortie du musée - par opposition au marketing qui l’amène à y entrer : « Le musée est responsable de nos enthousiasmes, de nos découvertes, de nos extases, parfois. C’est sa mission, que de nous donner des orgasmes ! ». Cabotin et passionné, il a délivré son message sous des applaudissements nourris, puis conclu, tonitruant : « la neutralité politique est un non-sens muséal. Un musée doit porter une vision politique de la société ». Poursuivant les réflexions de son prédécesseur à la tribune, Jorge Wagensberg, écrivain catalan, physicien et professeur d’architecture, a également évoqué le plaisir comme notion centrale de l’expérience muséale.

Samedi, c’est Mia Couto, écrivain mozambicain, qui a clôt la Conférence générale triennale par une brève et poétique intervention. Un court moment de grâce dans la langue du pays hôte, pendant lequel sa voix d’une extraordinaire douceur a suggéré aux conservateurs leur rôle dans la construction d’un nouvel optimisme. « Nous ne collectionnons le passé que pour mieux définir notre rapport au présent. Si l’accélération de l’actualité nous fait perdre le temps intime (tout s’enregistre, se grave, dans une logique d’archivage a priori), alors le musée doit nous réapprendre ce plaisir. On ne peut pas télécharger le ressenti organique du passé ».

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Jorge Melguizo © Janildo Thomaz/ICOM

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