Art ancien - Église

Le trésor de Notre-Dame de Paris

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 26 septembre 2023 - 1021 mots

Pillés au cours des vicissitudes de l’histoire, les objets précieux de la cathédrale ont été recréés au XIXe siècle. Sauvés in extremis de l’incendie en 2019, ils vont être exposés au public.

Le 15 avril 2019, le monde entier retient son souffle, ne pouvant se résoudre à voir partir en fumée, si ce n’est la plus belle, du moins la plus célèbre des cathédrales. Alors que tous les regards convergent vers la flèche puis les tours, un autre combat plus discret se joue dans la fournaise. Une poignée de pompiers et de professionnels du patrimoine s’affairent en effet à sauver le saint des saints : le trésor de Notre-Dame de Paris. Une étourdissante course contre la montre au cours de laquelle ils inventorient, emballent et exfiltrent du monument livré aux flammes des objets parmi les plus vénérés de la chrétienté. Des objets inestimables dont la seule évocation suffit à susciter la piété autant que l’émerveillement. Un sauvetage épique qui vient s’ajouter à la longue liste de péripéties subies par le trésor depuis sa fondation il y a plus d’un millénaire. En effet, du trésor originel il ne subsiste pratiquement plus rien, hormis des listes établies par les chanoines au Moyen Âge, qui font rêver par la richesse des vêtements sacerdotaux, la préciosité des objets liturgiques et des manuscrits enluminés, et la somptuosité des présents offerts par de grands dignitaires. Car les incontournables reliques côtoient des œuvres d’art au destin exceptionnel, tel ce vase antique en agate sculpté donné par la reine Isabeau de Bavière. Vase qui appartint ensuite à un certain Rubens, ce qui lui a valu d’être préservé de l’ire des vandales. Tout comme ces quelques manuscrits enluminés qui, par chance, n’étaient plus dans les armoires lors du sac de l’église par les révolutionnaires.

chefs-d’œuvre anéantis et ressuscités

La chute de l’Ancien Régime marque en effet un tournant dramatique dans son histoire. Car, à l’exception de quelques fragments de la vraie Croix miraculeusement préservés, le trésor est presque entièrement anéanti. Une fois les biens du clergé nationalisés, les objets jugés inutiles sont confisqués et fondus afin de recueillir les métaux tant convoités. Le Concordat, et surtout l’organisation du sacre de Napoléon à Notre-Dame – et non à Reims, contrairement à la tradition – rendent impérative la constitution d’un nouveau trésor. Celui-ci retrouve ainsi de sa superbe, grâce aux achats, mais aussi aux saisies de guerre, ou tout simplement en puisant dans des collections voisines. L’archevêque de Belloy obtient ainsi l’une des reliques les plus précieuses pour les chrétiens : la couronne d’épines provenant de la Sainte-Chapelle. Mais l’embellie n’est que de courte durée et le sort s’acharne une fois encore. En 1830, l’archevêché et le trésor sont pillés lors des journées révolutionnaires, puis à nouveau l’année suivante lors d’une insurrection. Il faut attendre le Second Empire pour assister à sa résurrection. À l’occasion de la restauration de la cathédrale par Eugène Viollet-le-Duc, décision est prise de construire une nouvelle sacristie et de reconstituer le trésor. Dans une logique d’harmonie et de cohérence historique, l’architecte génial imagine un mobilier liturgique néogothique et des reliquaires dans le même esprit. Véritables chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie de la fin du XIXe siècle, ces objets constituent l’essentiel du trésor qui nous est miraculeusement parvenu.

Statue en argent repoussé

Désireux d’oublier les affres de la Révolution, l’archevêque incite Louis XVIII à faire don d’objets somptuaires, à commencer par une magnifique Vierge à l’Enfant. Ce projet resté à l’état de vœu pieux se concrétise sous Charles X. L’ultime roi de France finance l’exécution de cette sublime pièce en argent repoussé, un matériau léger choisi pour faciliter son port lors des processions. Cette légèreté a toutefois failli lui être fatale, car la statue a été jetée par la fenêtre par les émeutiers en 1831.

Reliquaire de la couronne d’épines

Difficile d’imaginer relique plus précieuse pour les chrétiens que la couronne d’épines, une relique mythique rapportée de Constantinople par saint Louis au XIIIe siècle. Considérée comme l’objet le plus sacré du trésor, il est protégé et présenté à l’adoration des fidèles dans un reliquaire néogothique doré orné de cristal et de pierres précieuses. Cet objet classé monument historique a été réalisé par le talentueux orfèvre Placide Poussielgue-Rusand, aidé du fameux sculpteur Geoffroy-Dechaume.

Livre des serments

Très richement illustré, le livre des serments des évêques et chanoines de Notre-Dame de Paris a été constitué à partir de 1500 à partir des archives antérieures. Véritable mémoire du chapitre de la cathédrale, il servait lors des prestations de serment.

Écrin de luxe

Pour présenter l’hostie consacrée, qui est pour les catholiques le corps du Christ, les artistes rivalisent de magnificence. En témoigne le soin apporté à la réalisation de cet ostensoir très élaboré qui a reçu un franc succès lors de l’Exposition universelle de 1867.

Impériale couronne

Contrairement à ce que son nom laisse penser, cette couronne n’a pas ceint la tête de Charlemagne mais celle d’un autre empereur bien plus proche de nous. Elle a en effet été dessinée par Percier et réalisée par l’orfèvre Biennais pour le sacre de Napoléon Ier en s’inspirant, plus ou moins librement, des gravures des insignes royaux et regalia détruits lors de la Révolution. Cette étonnante couronne en laiton doré porte sur ses branches et son bandeau pas moins de 40 intailles et camées prélevés, entre autres, dans les trésors de Bourges et de Saint-Denis.

CROSSE en cuivre émaillé

Rare témoignage des insignes épiscopaux utilisés lors de la construction de la cathédrale, cette crosse est un pur chef-d’œuvre de l’émail de Limoges. Elle représente un serpent dévorant un monstre, soit une allégorie de la lutte entre le bien et le mal.

Très précieuse colombe

Pour recueillir les Saintes Huiles, Viollet-le-Duc s’est inspiré d’un célèbre objet médiéval : l’aigle de l’abbé Suger. Ce contenant en forme de colombe parée d’émail est destiné à protéger les huiles bénites utilisées lors de la liturgie des sacrements.

anneau du bâtisseur

Théologien respecté et bâtisseur visionnaire, Maurice de Sully est indissociable de l’histoire de la cathédrale, puisqu’il est à l’origine de sa construction au XIIe siècle. Son anneau épiscopal aurait été mis au jour lors d’un chantier sous le Second Empire.

À voir
« Le trésor de Notre-Dame de Paris »,
Musée du Louvre, Paris-1er, du 18 octobre 2023 au 29 janvier 2024, tous les jours sauf le mardi.www.louvre.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°768 du 1 octobre 2023, avec le titre suivant : Le trésor de Notre-Dame de Paris

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