Design

Le patrimoine minier comme inspiration

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 27 février 2020 - 969 mots

Près de Béthune, la Cité des électriciens, ancien coron réhabilité en centre culturel et logements sociaux, accueille une exposition qui mêle design et histoire minière.

Bruay-la-Buissière. Par son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco au titre de « paysage culturel, évolutif et vivant », la Cité des électriciens de Bruay-la-Buissière est devenue, en 2012, l’un des cinq grands sites miniers labélisés du Nord et du Pas-de-Calais. Ce patrimoine de l’industrie charbonnière est donc tout sauf de l’histoire ancienne. D’aucuns espèrent même qu’il devienne davantage encore une source d’inspiration. C’est le cas d’Arthur Lenglin, Tim Defleur et Benjamin Helle, alias Æquo, trois designers industriels « des Hauts-de-France », comme ils aiment à se revendiquer, tous diplômés de l’Institut supérieur de design de Valenciennes. Ils comptent, en effet, en apporter une preuve à travers cette exposition intitulée « Quand le design rend visite au patrimoine », résultat d’une résidence d’artistes que le trio a effectué à la Cité des électriciens l’an passé, durant un mois. « Notre axe majeur, explique Tim Defleur, consiste en la mise en valeur de ce patrimoine minier qui est d’une grande richesse. Il s’agit d’imaginer des moyens pour valoriser à la fois cette épopée industrielle, mais aussi les multiples savoir-faire locaux, qu’ils soient anciens ou actuels, comme ceux des multiples start-up. Concrètement, nous voulons montrer que patrimoine minier et design contemporain ne sont pas incompatibles. »

Trois ateliers créatifs

Au cours de sa résidence, le triumvirat a ainsi animé trois ateliers destinés au public : l’un sur l’habitant, destiné à « récolter des anecdotes sur la vie dans la Cité, au travers notamment d’un objet personnel » ; le second sur l’habitat, qui invitait, à partir d’un matériau emblématique des corons, la brique, à fabriquer un objet quel qu’il soit ; le troisième, enfin, sur le paysage, consistant en une production textile à base de teinture végétale obtenue à partir de plantes endémiques. En parallèle, les trois designers ont développé une collection d’objets inspirés à la fois de ces ateliers publics et, évidemment, du patrimoine minier alentour.

Les trois premières salles de l’exposition, reflet desdits ateliers, se parcourent comme une auscultation au microscope, selon trois échelles : l’individu, son habitation, son territoire. La première exhibe une sélection d’objets emblématiques de la vie dans les corons : barrette de mineur – autrement dit son casque –, alambic pour le café ou même un constateur, machine étonnante utilisée en colombophilie pour comptabiliser l’ordre d’arrivée des pigeons. Certains d’entre eux peuvent être sources d’inspiration potentielles. Les deux salles suivantes présentent des travaux réalisés d’une part avec un module de brique, d’autre part, avec de la teinture végétale, dont un vase-miroir et un coussin signés Æquo.

La dernière salle du parcours réunit non seulement les autres créations du collectif Æquo conçues pour l’occasion (luminaire, patère, vase, étagère, voir ill.), mais aussi une sélection d’objets d’une trentaine designers ou agences, flirtant peu ou prou avec cette thématique du patrimoine minier.

On pourra regretter que cette sélection se contente, parfois, d’accointances faciles, comme ces items couleur noir de jais, nuance, certes, caractéristique du paysage minier, mais qui ne fait pas tout, ou ces pièces évoquant un peu trop littéralement cette forme conique symbolique qu’est le terril.

Certains objets, en revanche, résonnent mieux que d’autres avec la thématique. Ainsi en est-il de la collection de vêtements Saint-Denis imaginée par le duo d’About A Worker et inspirée du « bleu de travail » des mineurs. L’uniforme professionnel standard a ainsi tout simplement été déconstruit, puis reconstruit avec une réelle touche de modernité. Autre exemple : cette luge pliable conçue par l’Allemand Max Frommeld et le Suisse Arno Mathies. L’engin mi-artisanal – par la technique de fabrication des patins en frêne cintré sous vapeur –, mi-technologique – avec une assise en polypropylène on ne peut plus industrielle – utilise, selon ses auteurs, « le moins de ressources possible ». Pour le visiteur prêt à expérimenter la descente d’un terril enneigé.

La Cité des électriciens : Le coron et l’esprit  

Patrimoine. Inscrite en 2009 à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH), la Cité des électriciens, à Bruay-la-Buissière, la plus ancienne cité minière préservée du Nord de la France – ouverte en 1861 –, se déploie sur une superficie de 3 hectares, dont la moitié de jardin potager et de verger. Entre 2013 et 2019, elle a fait l’objet d’un vaste programme de travaux : démolition ou réhabilitation de bâtiments existants et construction de nouveaux édifices. Il s’agit, en réalité, d’un « double-chantier ». Un tiers de la surface a été conservé par le bailleur originel, Maisons & Cités, lequel y a installé dix logements sociaux, livrés en 2018. Les deux tiers restants ont été acquis par la Communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, qui a lancé, en 2013, le projet de transformation du lieu en un espace culturel, sous la direction de l’architecte Philippe Prost. Inauguré l’an passé, on y trouve, entre autres : trois résidences d’artistes, quatre gîtes, une cafétéria et un centre d’interprétation du patrimoine minier. Le coût des travaux s’élève à 15 millions d’euros. Outre une déambulation grandeur nature au cœur de cet ancien coron, le centre d’interprétation apporte une information copieuse sur la vie quotidienne dans cet habitat emblématique, ainsi que sur l’histoire, en général, de ce bassin minier. Dans une scénographie conçue par l’agence Du&Ma, en collaboration avec la muséographe Catherine Mariette, l’exposition permanente (1 000 m2) se déploie dans deux espaces complémentaires : un « barreau » – bâtiment caractéristique de briques tout en longueur – déjà existant et un édifice contemporain, dont la silhouette extérieure reprend l’emplacement et le gabarit exacts d’un baraquement d’urgence édifié là, lors de la Première Guerre mondiale, et resté en place jusque dans les années 1990. On ne peut rater ce monolithe d’un rouge éclatant, conséquence de cette peau faite de tuile de parement rubis vernissée qui réinterprète, avec subtilité, la traditionnelle brique présente à l’envi dans le paysage alentour.

 

Christian Simenc

Quand le design rend visite au patrimoine,
jusqu’au 9 août, Cité des électriciens, rue Franklin, 62700 Bruay-la-Buissière.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Le patrimoine minier comme inspiration

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