Collection

À la gloire du Liechtenstein

Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2016 - 686 mots

À l’hôtel de Caumont à Aix-en-Provence, la collection du prince du Liechtenstein dévoile ses œuvres majeures, telles de précieuses ambassadrices de leur propriétaire, collectionneur d’art ancien.

AIX-EN-PROVENCE - C’est un confetti, une aberration historique, l’ultime rescapé du Saint Empire germanique : avec 160 km2 et 37 000 habitants (l’équivalent de la population de Mâcon), la principauté du Liechtenstein a un PIB par habitant à la hauteur de celui de Monaco. Depuis le XVIe siècle, la même famille règne sur cette monarchie parlementaire, ce qui explique en partie la splendeur des quelques œuvres de leur immense collection exposée à l’hôtel de Caumont à Aix-en-Provence.
Cette généalogie ouvre l’exposition provençale : de Karl Ier (1569-1627), nommé prince en 1608, à Hans Adam II, actuel prince depuis 1989, quinze monarques ont résisté aux aléas de l’histoire, leurs effigies contemplant le visiteur. À regarder le Portrait du prince Hartmann von Liechtenstein daté de 1630 et exécuté pendant le Grand Tour du jeune noble, on devine l’opulence, l’élégance et la richesse d’un cousin du premier prince régnant à avoir acquis des œuvres de Rubens de son vivant. Les collections princières ont subi les épreuves du temps, notamment après la Seconde Guerre mondiale et la perte de propriétés et de domaines en Bohème et Moravie. La vente du Portrait de Ginevra de Benci de Léonard de Vinci en 1967 a laissé des traces dans l’esprit de la famille.

Depuis, grâce à l’instauration de conditions fiscales avantageuses pour les entreprises, la fortune des princes s’est reconstruite. L’actuel souverain a repris la main sur les acquisitions d’œuvres d’art, devenant un des collectionneurs privés parmi les plus influents dans le domaine de l’art ancien. À Aix-en-Provence, le choix a été fait de se concentrer sur les chefs-d’œuvre et surtout sur les acquisitions récentes depuis les années 2000.

Défilé  de chefs-d’œuvre
Dans la scénographie élégante conçue par Hubert Le Gall, la première salle impressionne : treize œuvres illustrent le XVIe siècle, dont la moitié acquise depuis 2007. En point d’orgue, la Vénus de Lucas Cranach (1531), d’une qualité muséale, achetée à Londres en 2013 pour plusieurs millions de livres sterling, attire le regard, précieuse et insolente. À ses côtés, un Portrait de dame à la robe rouge (vers 1500) de Bernardino Zaganelli, plus chaste et pensive. Cette huile sur bois, sortie des collections princières en 1950, a été rachetée en 2003. Tout à fait inédite, une petite Vierge à l’Enfant (vers 1520) de Jan Gossaert, est fraîchement entrée dans les collections cette année, comme le juvénile Portrait d’Alessondro Farnèse (vers 1560) d’Antonis Mor. Toutes ces œuvres supportent facilement le regard placide du Portrait d’un homme (vers 1502-1504) de Raphaël, siégeant dans les collections du Liechtenstein depuis 1824.

Pour évoquer le fonds Rubens dans la collection (trente-cinq œuvres autographes, l’un des plus important ensemble du monde), un grand Mars et Rhéa Silvia (vers 1516) est accompagné de son modello, réunis pour la première en 1977 lors de son acquisition par le père du prince actuel. Un dispositif multimédia permet de voir la trentaine d’œuvres du maître anversois restées à Vienne, dans les réserves du palais princier. La partie du parcours présentant le XVIIe siècle offre un très beau Frans Hals, Portrait d’un homme (vers 1650), longtemps dans les collections Rothschild avant sa vente en 1999.

Si le reste des peintures choisies est au niveau de la première partie de l’exposition, le doute est permis concernant une série de douze aquarelles commandée par le prince Johann Ier entre 1813 et 1824 représentant les résidences princières en Autriche et en Bohème. Témoignage ponctuel d’une certaine manière de vivre, mais sûrement pas des chefs-d’œuvre au niveau des pièces présentées auparavant. Ce même décalage est présent dans une salle où une vidéo présente les propriétés actuelles du prince à Vienne et à Vaduz, sur fond de valses viennoises : le kitsch n’est pas loin. Kyoto, Singapour, Shangaï, Taipei, Moscou ou Vienne, la collection du prince s’exporte : en termes de relations internationales, le « soft power » du Liechtenstein passe par l’art.

Les collections du prince

Commissariat : Johann Kraftner, directeur des collections princières et du Liechtenstein Museum
Nombre d’œuvres : env. 50

Les collections du prince de liechtenstein

Jusqu’au 20 mars, Caumont Centre d’art, 3 rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-en-Provence, tlj 10h-18h, vendredi jusqu’à 20h30, entrée 11 €, www.caumont-centredart.com. Catalogue, Ed. Fonds Mercator, 160 p., 32 €.

Légende Photo :
Raphaël, Portrait d’un homme, vers 1502-1504, huile sur panneau, 47,5 x 37,2 cm, collections princières du Liechtenstein, Vaduz/Vienne. © Liechtenstein. The Princely Collections, Vaduz–Vienna.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : À la gloire du Liechtenstein

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