Festival - Photographie

Photographie

Jubilé réussi pour les Rencontres d’Arles

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2019 - 634 mots

ARLES

Les 50es rencontres photographiques ont su bâtir une programmation foisonnante et dense.

Arles. Le rideau tombera prochainement sur la 50e édition des Rencontres d’Arles. L’inflation des propositions, aussi diverses que variées, pendant la semaine d’ouverture, que ce soit dans le « in » ou dans le « off », a confirmé l’attractivité du festival. La programmation n’a pas manqué de gestes et enjeux artistiques forts ni de réflexions approfondies sur les divers usages et pratiques du médium, le tout servi par des scénographies sensibles et soucieuses de donner les explications nécessaires à la visite.

Au-delà du nombre record d’expositions (cinquante et une, contre une trentaine habituellement), des rétrospectives solides et des propos ambitieux sur des archives photographiques généralement inédites ont marqué le jubilé. Le registre des archives, très en vogue depuis quelques années, a réservé de très belles découvertes ou récits. Ainsi, la saga des inventions, du masque à gaz à la machine à laver, racontée par Luce Lebart à partir des archives du CNRS, ne manque pas de sel, ni de créativité et de mises en scène cocasses.

Autre exemple, le focus sur les vingt-cinq numéros de la revue Variétés (Bruxelles, 1928-1930) et sa collection de photos éclaire la formidable aventure éditoriale et artistique que fut cette publication belge cofondée durant l’entre-deux-guerres par Paul Gustave Van Hecke et E.L.T. Mesens. Retrouvée il y a une vingtaine d’années à Gand par l’historien et éditeur Ronny Gobyn au sein des archives de l’Amsab-Institut d’histoire sociale, la revue porte bien son nom. L’éclectisme des sujets abordés et leur traitement graphique, rédactionnel ou visuel sont en effet l’œuvre des plus belles signatures de l’avant-garde de l’époque : László Moholy-Nagy, Man Ray, Germaine Krull, Berenice Abbott, Florence Henri, Eli Lotar, Aenne Biermann, André Kertész ou encore Albert Valentin. L’album photographique de Germaine Krull retrouvé par le cinéaste Olivier Assayas dans les archives de son père, le scénariste Jacques Rémy, révèle quant à lui des images souvenirs de la traversée qui, en 1941, les conduisit avec d’autres artistes ou écrivains de Marseille à Rio.

L’exposition « Photo/Brut » propose au parc des Ateliers une analyse de fond en s’appuyant sur un nombre important de collections, au premier rang desquelles celle, exceptionnelle, de Bruno Decharme que l’on avait pu découvrir partiellement en 2014 à La Maison rouge et à la galerie Christian Berst à Paris. Le collectionneur récidive à Arles avec la complicité de Paula Aisemberg, Barbara Safarova et Sam Stourdzé en centrant sa sélection sur quarante-cinq auteurs anonymes ou sortis de l’ombre. Les questions posées (peut-on parler de photo brute et la considérer comme une catégorie de l’art brut ?) bénéficient d’un espace inédit (1 200 m2). Ce qui permet de déployer au mieux les diversités formelles de cette production, mais aussi la saga singulière propre à chacun de ses créateurs et de les catégoriser par thème en mêlant figures historiques (Eugène Von Bruenchenhein ou Miroslav Tichý) et créateurs contemporains tels Elke Tangeten ou Yohann Goetzmann.

La Nan Goldin de l’Europe centrale

Côté rétrospectives, figures historiques (Helen Levitt, Tom Wood), méconnues (Libuše Jarcovjáková [voir ill.]) ou en vue (Mohamed Bourouissa, Marina Gadonneix) ont alimenté une autre série d’expositions enthousiasmantes. Annoncée comme la Nan Goldin de l’Europe centrale, la Tchèque Libuše Jarcovjáková est sans conteste la révélation de cette édition, au même titre que les auteurs est-allemands des années 1980 réunis dans l’exposition « Corps impatients ». Réalisées dans les années 1970-1980, ces images crues, graves ou légères posent sur les années de plomb du régime communiste répressif de l’époque un regard d’une grande franchise et liberté de ton. Au premier étage du magasin Monoprix, c’est la voix de toute une génération de jeunes et de moins jeunes d’aujourd’hui, marginalisés, que fait entendre Mohamed Bourouissa dans une magistrale sélection de ses différents travaux réalisés depuis ses débuts sur les jeunes des Halles et pour la première fois rassemblés.

Les Rencontres d’Arles,
jusqu’au 22 septembre, www.rencontres-arles.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Jubilé réussi pour les Rencontres d’Arles

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