Chypre

L’île et elles

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 7 août 2007 - 402 mots

Point de rencontre de l’Orient et de l’Occident, Chypre est le lieu où ces deux mondes s’affrontent depuis des millénaires.

« L’île appartient à celui  qui possède la supériorité maritime », écrivait déjà en 985 un géographe arabe. Dominée tour à tour par des puissances méditerranéennes ou par le monde arabe, elle a pourtant créé une civilisation brillante et originale, méconnue de l’Europe. Une civilisation qui, au musée d’Art et d’Histoire de Genève, s’étale dans toute sa diversité, de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge, lorsque, sous le règne des Lusignan, elle était la première « France d’outre-mer ». Plate-forme commerciale, Chypre a vu son histoire jalonnée, depuis le vie siècle avant J.-C., par des monnaies qui ponctuent de leurs sceaux d’or et d’argent les étapes de son histoire. Frappé à Chypre sous Alexandre le Grand un statère d’or fera rêver les numismates.

Sensibles à la beauté féminine, les Chypriotes ont voué des cultes à différentes déesses, plus populaires que leurs homologues masculins. Une mystérieuse figurine de terre cuite (1200-1050 avant J.-C.) hiératique,  mains sur le ventre, seins offerts, pourrait être une première représentation symbolique de la fécondité, influencée par l’Astarté orientale. Elle était La déesse, adorée à Paphos, où son sanctuaire et son autel « étaient parfumés avec de l’encens », dit Homère, avant de devenir l’Aphrodite de Chypre, couronnée de fleurs et finalement présentée dans sa sublime nudité. Le christianisme se hâte de la rhabiller. Suivant un modèle byzantin, La Vierge dans l’Antependium d’Othon de Grandson (fin du xiiie siècle) trône entre deux beaux archanges, et porte l’Enfant. Au XIIe siècle, convoitée par les Croisés, Chypre avait été vendue à Guy de Lusignan.

À nouveau métamorphosée, Aphrodite devient Mélusine car les Lusignan, des nobles du Poitou, avaient un château qui passait pour avoir été bâti par une fée, la mère des Lusignan, mère Lusine, ou Mélusine, dernier avatar de la déesse de l’amour. Tour à tour serpent ou séductrice, elle apparaît dans l’iconographie de leur règne. L’île est alors riche de son commerce, dont témoigne un beau Plateau aux armes des Lusignan venu de Syrie ou d’Egypte. Elle se couvre de monuments gothiques mais est annexée en 1489 par les Vénitiens désireux de contrôler ce commerce.

« Chypre, d’Aphrodite à Mélusine, des royaumes anciens aux Lusignan », musée d’Art et d’Histoire de Genève, 2, rue Charles-Galland, Genève (Suisse), tél. 00 41 22 418 26 00, jusqu’au 25 mars 2007

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Chypre

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