Art contemporain

Bijoy Jain éveille les sens à la Fondation Cartier

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 10 janvier 2024 - 491 mots

Conçue comme un projet esthétique global, l’exposition de l’architecte indien déborde du domaine visuel pour proposer une expérience multisensorielle.

Paris. De la peinture beige rose qui recouvre les murs du sous-sol aux sculptures posées dans le jardin, Bijoy Jain et son équipe ont pensé chaque détail pour occuper les espaces du bâtiment de Jean Nouvel. « C’était l’endroit idéal pour présenter le travail de Bijoy Jain, qui se situe entre les arts plastiques, l’architecture, la philosophie, la littérature », explique Chris Dercon, président de la Fondation Cartier. Bijoy Jain est architecte de formation, et cela influence son utilisation de l’espace : autour de la cabane déstructurée au rez-de-chaussée de l’exposition, de petites sculptures sont posées sur le sol de béton, qui délimitent un chemin agrémenté de sièges. Dans l’autre salle, le grand tableau abstrait posé au sol est lui aussi entouré de pièces sculptées et de banquettes.

Une atmosphère contemplative

Bijoy Jain propose ainsi des variations sur les mêmes thèmes. Au sous-sol, les visiteurs circulent aussi en périphérie de la salle, les sculptures occupant le centre : des dizaines de petits animaux alignés semblent monter la garde devant deux tables où trônent les œuvres de la céramiste turque Alev Ebüzziya Siesbye. Tout autour, sur les murs sont exposés des sculptures en briquettes d’argile et des tableaux abstraits. La dernière salle maintient en périphérie les peintures grand format de l’artiste chinoise Hu Liu, tandis que des pierres et des figurines posées sur le sol marquent le pied des parois. Les visiteurs croient reconnaître dans les statuettes des divinités grecques primitives, des animaux du Proche-Orient ou des décors de chapiteaux de colonnes romaines. L’ensemble dégage une certaine gravité, une solennité, car les références religieuses affleurent : certains blocs de goudron sont creusés d’escaliers et de croix qui rappellent les églises rupestres d’Éthiopie.

Quelques surprises dans le parcours allègent l’atmosphère comme trois petites sculptures sur le palier de l’escalier, une statuette suspendue au plafond, des structures aériennes en brindilles, une sphère cachée dans les herbes du jardin. Et la gravité initiale se transforme en contemplation puisqu’il est autorisé de s’asseoir sur les banquettes et sièges exposés : les créations de Bijoy Jain en bambou, fils de soie, pierre ou cordages sont à mi-chemin entre design et sculpture.

Outre la vue et le toucher, l’exposition invite les visiteurs à sentir et à entendre les pièces : le sol de la cabane et certaines sculptures embaument la bouse de vache séchée, et un gong de forme inhabituelle n’attend que d’être ébranlé. L’expérience est d’autant plus intense que Bijoy Jain n’utilise que des matériaux naturels (végétaux et animaux) dans ses créations, comme le précise Hervé Chandès, directeur artistique de la fondation : « Tout a été fabriqué à Mumbai à partir de matériaux locaux. Même les fils de soie viennent de vers élevés dans le Studio Mumbai par les collaborateurs de Bijoy Jain. » Une promenade dans le jardin complète cette expérience sensorielle qui mérite d’être vécue à la nuit tombée.

Bijoy Jain/Studio Mumbai, Le souffle de l’architecte,
jusqu’au 21 avril, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, 75014 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : Bijoy Jain éveille les sens à la Fondation Cartier

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