Art contemporain

XXE SIÈCLE

Avant et après CoBrA

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 17 mai 2018 - 623 mots

PONT-AVEN

Le Musée de Pont-Aven présente les origines et la postérité d’un groupe qui eut une courte existence.

Pont-Aven. Déjà auteur de l’exposition « Cobra sous le regard d’un passionné », au Lieu d’art et action contemporaine de Dunkerque en 2012, l’historien de l’art Victor Vanoosten récidive en tant que commissaire scientifique de « Cobra, la couleur spontanée », présentée au Musée de Pont-Aven (Finistère).

Ce groupe international se forme à Paris. Son nom est composé à partir des éléments initiaux du nom des capitales des trois pays d’où viennent ses fondateurs – Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Ici, le propos est original : présenter le mouvement avant et après son existence officielle de 1948 à 1951. « En 1951, raconte Victor Vanoosten, Pierre Alechinsky fait écrire sur la quatrième de couverture de la revue : “Fin de Cobra, ce numéro est le dernier”. Mais ces artistes continuent de créer. Les toiles d’Asger Jorn qui sont dans la dernière partie de l’exposition peuvent être rapprochées de la force de celles des années 1940 ou 1950 : l’esprit Cobra perdure tout au long de la seconde moitié du XXe siècle. » Ainsi, symboliquement, les deux toiles portant les dates les plus extrêmes, Cheval jaune (1941) et Demande à l’oiseau (1992-1993) sont du même artiste, le Danois Carl-Henning Pedersen.

Art primitif et populaire

Les œuvres viennent du Musée national d’art moderne, mais surtout des collections privées, belges et néerlandaises, car « les chefs-d’œuvre Cobra sont rares en France », précise le commissaire. Celui-ci ambitionne de « réinscrire Cobra dans la lignée de Gauguin, qui a révolutionné l’histoire de l’art en libérant la couleur et la représentation du monde ». Les membres de Cobra privilégient ainsi les lignes serpentines, retrouvent le plaisir de la matière et des éclats de couleur. Comme Gauguin, ils font appel à l’art primitif et populaire, mais aussi à la mythologie scandinave et son bestiaire fantastique, à la fois inquiétant et fascinant.

La première salle est, selon l’expression du commissaire, une « fosse aux Cobra» conçue pour immerger le visiteur « dans la couleur, le bestiaire et les artistes internationaux ». On y trouve les Hollandais Karel Appel et Corneille, le Français Jacques Doucet, les Danois Asger Jorn, Carl-Henning Pedersen et Henry Heerup. Ensuite, chaque groupe national se voit consacrer un espace. Ce sont d’abord les Danois avec des toiles majeures, comme Peur (1950) de Jorn ou Paysage étincelant (1949) de Pedersen. Suit la présentation du Groupe expérimental hollandais avec notamment une remarquable grande gouache, Sans titre (1950), peinte par Constant et Corneille, avant le groupe belge où est montrée une rare peinture de Hugo Claus, Événement de nuit (1950) tandis que la sculpture Échinoderme (1957) de Reinhoud prend place dans une niche traversante. Un espace consacré à la poésie recèle, ce qu’Estelle Guille des Buttes-Fresneau, directrice du musée, qualifie de « talisman de l’exposition » : Dentelles de foudre (1948), la première peinture-mots, est réalisée, selon Victor Vanoosten, « par Jorn et Christian Dotremont quelques mois avant la fondation de Cobra, une œuvre majeure de l’histoire de l’art et de l’histoire du groupe ».

Une salle réunit les artistes internationaux, l’Islandais Svavar Gudnason, l’Américain d’origine japonaise Shinkichi Tajiri, les Anglais Stephen Gilbert et William Gear ou le Français Jean-Michel Atlan ; ce dernier, plus âgé que les membres du groupe, les a soutenus. Enfin, pour terminer en beauté, des céramiques réalisées à Albisola (Italie) et, en harmonie avec un grand mur bleu, des œuvres majeures de la fin de la carrière de membres du groupe tels Jorn (La Fleur perdue de 1970) ou Corneille (Odalisque couchée avec oiseau, 1972).

Colorée, lumineuse, intense, bénéficiant d’une scénographie réussie de Loretta Gaïtis, l’exposition, accompagnée d’un livre très complet, est une étape importante dans la connaissance de Cobra.

 

CoBrA, la couleur spontanée, jusqu’au 10 juin, Musée de Pont-Aven, place Julia, 29930 Pont-Aven.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°501 du 11 mai 2018, avec le titre suivant : Avant et après CoBrA

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