Le 29 avril 1968, quelques jours avant ces journées de mai qui, parties de protestations contre l’interdiction faite aux étudiants de pénétrer dans les résidences universitaires accueillant les étudiantes, enflammèrent la société française, apparaissait sur le petit écran Et voilà le Shadok, une série d’animation saugrenue qui scandalisa bien des téléspectateurs.
En quelques jours, la France se divise entre shadokophiles rigolards et shadokophobes peu sensibles à cet humour totalement déjanté. Replaçant cette aventure dans son contexte historique, l’exposition rend hommage à l’inventeur des Shadoks, Jacques Rouxel, atypique ancien de HEC adepte de l’humour anglais et des comics trip nord-américains. Il n’y avait en 1968 que deux chaînes, publiques. Lui apportant une audience exceptionnelle, la série des Shadoks suit immédiatement le journal télévisé dont le sommaire est à l’époque validé par le ministère de l’Information. Travaillant avec le Service de la recherche de l’ORTF dirigé par Pierre Schaeffer, Rouxel pousse à l’extrême les leçons de l’UPA (United Productions of America, créé en 1945) qui, en visant à atteindre un maximum d’expressivité avec un minimum de moyens, prend à contre-pied les canons mis en place par Disney. L’esprit shadokien procède également de la relation à la langue et aux logiques décalées chères à Raymond Queneau, Alphonse Allais ou Alfred Jarry. Et Marcel Duchamp, illustre concepteur de machines célibataires inutiles ? Décédé le 2 octobre 1968, il a pu voir les Shadoks fabriquer des pompes et pomper, pomper, pomper sans relâche : « Je pompe donc je suis ».
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Absurde, loufoque, roboratif : l’univers des Shadoks
