Art contemporain

Vasarely le grand retour

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 2 février 2019 - 617 mots

PARIS

Artiste phare mondialement reconnu dans les années 1960-1970, sa notoriété s’était progressivement estompée. Une vaste exposition au Centre Pompidou Paris ressuscite Victor Vasarely, créateur prolifique dont la grande ambition fut « l’art pour tous ».

Né sujet austro-hongrois en 1906 à Pécs, il grandit à Pöstyén, petite ville frontalière du nord de la Hongrie où on lui impose de parler successivement le hongrois puis le slovaque. À la suite de la Première Guerre mondiale, la ville est rattachée à la Tchécoslovaquie. La famille rejoint Budapest en 1919 après un « véritable exode » à pied à travers la Bohême et l’Autriche. L’inventeur, quarante ans plus tard, d’un utopique « Alphabet plastique universel », n’oubliera jamais cette épreuve : « C’est en effet là que je pris conscience des limites du patriotisme et des problèmes de races, de langues et de cultures. » Adolescent, celui qui allait être sacré « Pape de l’Op Art » acquiert ses premières connaissances en commerce et publicité à l’École supérieure de commerce de Pest et suit des cours de dessin académique. Mais il doit rapidement pourvoir à ses besoins : « Après mon baccalauréat, en 1925, afin de décharger mes parents, j’entrais dans un laboratoire pharmaceutique portant l’enseigne Labor. Archiviste puis aide-comptable, je dessinais aussi des panneaux pour les vitrines de la maison […]. Deux années s’écoulèrent ainsi… puis un jour, par la rubrique des petites annonces de mon journal, je découvris le Bauhaus. » Cette découverte s’avère déterminante. Le Mühely (« Atelier », en hongrois) créé par Sandor Bortnyik professe des idées héritées du Bauhaus de Weimar : abolir toutes hiérarchies entre beaux-arts, architecture, arts décoratifs et arts appliqués.
 

La déferlante Vasarely
Vasarely est confronté durant ses deux années de formation au Mühely à des concepts novateurs qui lui permettront, trois décennies plus tard, d’élaborer son credo : la suprématie de l’efficacité visuelle ordonnée par des normes formelles en figures géométriques abstraites aux combinaisons infinies, au service d’une diffusion la plus large possible dans la vie quotidienne et l’espace urbain. Il saura le porter à son acmé dans des réalisations architecturales telle la cité universitaire de Caracas (Venezuela) en 1954 ou la « Cité polychrome du bonheur », qui deviendra la Fondation Vasarely d’Aix-en-Provence, inaugurée en 1976. Pour l’instant, il décide de quitter la Hongrie pour Paris en 1930, et travaille comme graphiste publicitaire pour l’agence Havas et les imprimeurs Draeger et Devambez. Sa rencontre en 1939 avec Denise René, alors modiste, bouleverse son destin. Ils ouvrent ensemble à Paris en 1944 la Galerie Denise René, laquelle émerge rapidement comme le lieu phare des « avant-gardes » cinétiques et optiques et permet à Vasarely de développer avec un énorme succès ses recherches et ses réalisations aux innombrables effets visuels, largement diffusées grâce à la production massive de « multiples ». La fusée Vasarely est lancée. Le succès populaire de ses géométries abstraites illusionnistes envahit tous les espaces, de la publicité au cinéma en passant par l’industrie du prêt-à-porter, la vaisselle, le mobilier, les décors des plateaux télé, la façade parisienne de la radio RTL, les vitrines des grands magasins… Il signe avec son fils Yvaral le logo en losange de Renault. En 1969, une de ses peintures illustre la pochette de l’album Space Oddity de David Bowie. Ambitieux et (ou) mégalomane, Vasarely aspirait à être présent partout grâce à son « Alphabet plastique universel ». Co-commissaire de l’exposition, Arnauld Pierre observe dans le catalogue : « Il est à peine besoin de faire remarquer à quel point cette forme d’universel est éloignée de l’art mondialisé d’aujourd’hui, cyniquement façonné par les forces du marché global et des élites financières internationales. » C’était en tout cas une autre époque, un autre monde. 

« Vasarely. Le partage des formes »

Du 6 février au 6 mai 2019. Centre Pompidou, place Georges Pompidou, Paris-4e. Ouvert tous les jours sauf le mardi et le 1er mai de 11 h à 21 h. Le jeudi nocturne jusqu’à 23 h. Tarifs 14 et 11 €. Commissaires : Michel Gauthier et Arnauld Pierre. www.centrepompidou.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Vasarely le grand retour

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