Politique culturelle

Le très pragmatique rapport Racine sur les artistes-auteurs

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 24 janvier 2020 - 607 mots

PARIS

Remis au ministre et rendu public le 22 janvier dernier, le rapport formule 23 propositions très concrètes pour améliorer leur situation.

Le rapport Racine sur la situation des artistes-auteurs devrait avoir un avenir plus prospère que le rapport Tuot sur les résidences d’artistes jamais rendu public, à l’inverse donc de celui demandé en avril dernier à l’ancien président du Centre Pompidou et de la BNF.

Aidé de Noël Corbin, Céline Roux et Bertrand Saint-Etienne, Bruno Racine s’est attaché à formuler 23 propositions qui peuvent être mises en œuvre d’ici 2021. Une gageure dans la mesure où le rapport concerne tous les artistes-auteurs (peintres et plasticiens mais aussi écrivains, compositeurs de musique, scénaristes) aux pratiques et organisations professionnelles très distinctes, soit environ 270 000 personnes qui cotisent au régime-général de la Sécurité Sociale.

Ils vivent (et ressentent) cependant tous, la même dégradation de leur situation économique. Le revenu moyen des seuls artistes-auteurs affiliés à l’AGESSA et à la Maison des artistes a baissé de 2,36 % entre 2001 et 2017 pour s’établir à 23 457 €. Seuls les sculpteurs (+2 %) et les plasticiens (+3 %) enregistrent une hausse de leur revenu. Mais ces derniers ont les revenus les plus bas de tous les artistes-auteurs (à peu près le SMIC).

Bruno Racine relève – et c’est sans doute le point clef du rapport – une représentation trop morcelée des artistes-auteurs. En clair il recommande aux artistes-auteurs de se constituer en groupe de pression pour mieux peser face à l’Etat et surtout aux « acteurs de l’aval (éditeurs, diffuseurs, producteurs) ». Il recommande d’organiser des élections professionnelles dans chaque secteur (Recommandation 5) afin de doter les artistes-auteurs d’organisations représentatives, de généraliser les médiations sectorielles (Recommandation 6) et surtout de créer par la loi un Conseil national des artistes-auteurs (Recommandation 7).

Il s’agit donc de créer un cadre plus favorable aux artistes-auteurs dans les instances de négociation au niveau des secteurs et au niveau de l’Etat (à travers une délégation des artistes-auteurs à créer au Ministère de la communication – Recommandation 9), dans lequel ils peuvent davantage peser (car mieux représentés) pour obtenir des acquis sociaux.

A cet égard, le rapport recommande plusieurs mesures susceptibles d’augmenter leurs revenus ou de faciliter l’accès à une couverture sociale. Le critère de revenu (9 027 € en 2019) pour accéder aux régime-général de la SS devrait ainsi être pondéré par des paramètres de professionnalité à définir (Recommandation 1). Les aides publiques à la création devraient également être redéployées en partie vers des aides directes vers les artistes-auteurs (Recommandation 12), notamment les crédits d’action artistique (Recommandation 13) des Organismes de gestion collective (OGC). Le rapport demande aussi (Recommandation 16) de « généraliser sans délai le droit de représentation ».

Reste que les revenus principaux des artistes-auteurs viennent de leurs créations littéraires, musicales, artistiques. Le rééquilibrage économique des rapports avec les acteurs de l’aval devrait permettre de fixer « un taux de référence » des rémunérations proportionnelles (dans l’édition il est en moyenne de 7,2 %) et à tout le moins d’obtenir une plus grande transparence sur ces taux (Recommandation 10).

Le rapport évoque également des pistes – tout en reconnaissant la difficulté du sujet- pour rémunérer le temps de travail des artistes (« un contrat de commande »). Aujourd’hui, dans la très grande majorité des cas le revenu des artistes provient de la cession de leur travail.

Enfin, Bruno Racine ose lever un tabou et demander l’organisation de manifestations autour de la création contemporaine en France (Recommandation 23). Rejetée par certains au nom d’un multiculturalisme généreux mais contre-productif, la promotion de la création en France (et donc en grande partie française) était demandée par la majorité des acteurs. Bruno Racine montre ici une fois encore son pragmatisme.
 

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