Incendie

Dommage

Feu Oiticica

Plus d’un millier d’œuvres d’Hélio Oiticica ont brûlé dans un incendie survenu le 16 octobre

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2009 - 512 mots

RIO DE JANEIRO - « C’est une tragédie culturelle ! » Ce lamento revient en boucle depuis la destruction de plus de mille œuvres de l’artiste conceptuel brésilien Hélio Oiticica lors d’un incendie survenu dans la nuit du 16 octobre chez le frère de l’artiste, Cesar Oiticica, où les pièces étaient entreposées.

Les causes du désastre restent inconnues, d’autant plus que la résidence possédait un dispositif anti-incendie.
Petit retour en arrière. En 1981, un an après la mort du créateur, ses frères Cesar et Claudio lancent le « Projet Hélio Oiticica » afin de préserver l’œuvre du pionnier du mouvement néoconcret brésilien, réputé pour ses Parangolès, habits de lumière composés de tissus de récupération. Ayant très peu vendu de son vivant, l’artiste avait conservé un gigantesque corpus d’œuvres et des archives soigneusement tenues. En 1996, le Centro Municipal de Arte Hélio-Oiticica voit le jour à Rio dans le but d’abriter cette collection. Mais onze ans plus tard, la famille décide de la retirer à la suite de désaccords d’ordre financier et technique avec la municipalité. « Au fil des ans, les œuvres étaient envoyées dans les réserves dans des conditions de manutention pas très idoines. Assez vite, Oiticica a été remisé sur un seul niveau pour montrer au rez-de-chaussée d’autres artistes comme [Richard] Serra. Ce n’était plus un musée monographique, ça se prenait pour P.S.1 [le centre d’art contemporain annexé au Museum of Modern Art de New York] », indique Catherine David, commissaire d’une exposition monographique de l’artiste en 1992 à la Galerie nationale du Jeu de paume, à Paris.

Un avertissement
Après un sinistre dans lequel 90 % des pièces détenues par la famille sont parties en fumée, notamment les Parangolès et Bolides, il sera difficile d’organiser des expositions d’envergure, à moins de procéder à des reconstitutions. Pour Mary Sabatino, directrice de la Galerie Lelong à New York, si l’œuvre est violemment amputée, elle n’est pas totalement anéantie. « 90 % des dessins conservés dans des tiroirs en métal ont survécu. Les œuvres réalisées dans les années 1970-1980 ont résisté, précise-t-elle. Le ministère de la Culture au Brésil compte étudier ce qui peut être restauré. Au début, le dommage semblait intégral ; maintenant, on commence à penser que certaines œuvres peuvent être sauvées. Mais il est vrai qu’on sera obligés de travailler autrement. » La perte, évaluée à 200 millions de dollars [plus de 133 millions d’euros], est d’autant plus lourde que la famille n’avait pas assuré l’ensemble. Une donne courante chez les créateurs et leurs ayants droit. « Les artistes n’assurent pas leurs œuvres au prix du marché. L’atelier de [Peter] Stämpfli a brûlé et ses œuvres n’étaient pas assurées », rappelle Patrick Cotensin, de la Galerie Lelong à Paris. Cet accident devrait servir d’avertissement aux autorités publiques brésiliennes. « Cette catastrophe est symptomatique de ce qui se passe au Brésil, où rien ne peut s’organiser correctement, fulmine Catherine David. Tout le monde s’excite sur les collections privées, on fait des choses glamour, des collections dans la jungle, mais on n’est même pas fichus de préserver le patrimoine ! »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Feu Oiticica

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