École d'art

CAMPUS

En pleine mutation, l’École Camondo se rêve « constellation »

Par Geneviève Gallot · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2022 - 1055 mots

PARIS - TOULON

Un nouveau site à Toulon, des ateliers hors les murs, des formations renouvelées, l’établissement privé d’architecture intérieure et de design au fort taux d’insertion professionnelle continue d’innover.

Centre International d’Art Verrier à Meisenthal, avec Jean-Marc Schilt, maître verrier, et Anaïs Junger. © Peter Fichte
Centre International d’Art Verrier à Meisenthal, avec Jean-Marc Schilt, maître verrier, et Anaïs Junger.
© Peter Fichte

Paris. Adossée au MAD – Musée des arts décoratifs, qui fut constitué à fin du XIXe siècle par des industriels, des collectionneurs et des créateurs afin d’être le conservatoire du génie des artisans et des artistes, l’École Camondo, créée en 1944, partage toujours l’objectif qui présida à la fondation du Musée : réconcilier le beau et l’utile. Dans cette perspective, l’École ne cesse de s’adapter à l’évolution des métiers auxquels elle prépare aujourd’hui, ceux d’architecte d’intérieur et de designer. « L’École Camondo s’envisage plus que jamais comme un espace ouvert sur le monde et sur la pensée, souligne René-Jacques Mayer, directeur de l’École depuis 2015. Nous proposons un cursus diplômant unique de cinq ans – architecture intérieure & design – pour lequel nous recherchons toujours l’équilibre entre expression et réflexion. » Depuis 2019, l’École a ouvert un second site à Toulon, dénommé « Camondo Méditerranée », dans le nouveau Quartier de la connaissance et de la créativité-Chalucet. Le bâtiment, qui surplombe la rade de Toulon, est aménagé de manière souple et doté d’équipements mobiles de haut niveau. « Une école, ce n’est plus quatre murs. Je suis convaincu qu’une très large partie de l’activité de l’école doit se faire à l’extérieur. Une école doit être une constellation ! », poursuit le directeur. Grâce à l’aide de la Fondation Bettencourt Schueller, l’École lance en 2018 un programme « Atelier Campus » qui permet aux 500 étudiants que regroupent les deux sites d’être accueillis, chaque année, dans des ateliers ou entreprises d’artisanat d’art afin de découvrir une dizaine de savoir-faire d’excellence au cours de leur scolarité. « Alors que les étudiants sont souvent très forts en techniques numériques, nous manquons cruellement de rapport à la matérialité dans l’école, souligne Cendrine de Susbielle, responsable d’Atelier Campus. Et nous n’avons pas les espaces nécessaires pour créer des ateliers en interne. » L’École Camondo décide donc d’aller à la rencontre des artisans sur leurs lieux de production pour sensibiliser les étudiants aux exigences du travail de la matière : métal, verre, céramique, carton-pierre, textile, passementerie, rotin…

« Toucher la matière »

Diplômée en 2019, Anaïs Junger, 27 ans, raconte : « Tout était fascinant dans ce programme Campus ! On s’approchait tout près de la matière, on rencontrait des professionnels exceptionnels et on comprenait combien c’était difficile de souffler le verre à la canne. » Pour son projet de diplôme, la jeune architecte d’intérieur-designer réalise une collection d’objets en verre, baptisée « Formes libres sous influence », à partir d’empreintes de moules récupérés de l’industrie de la plasturgie. « J’ai toujours pensé que le travail sur l’espace et celui sur l’objet sont très liés. C’est pour cela que j’ai choisi d’enrichir ma formation à Camondo qui fait un lien parfait entre les deux champs. Il faut toucher la matière et comprendre de quoi les éléments sont constitués pour prétendre ensuite les dessiner à l’échelle de l’espace ou de l’objet. » Aujourd’hui, Anaïs poursuit ses recherches autour du verre avec les artisans du Centre international d’art verrier à Meisenthal (Lorraine). « Contribuer à la sauvegarde de ces métiers de la main par des projets créatifs me passionne ! » Elle a par ailleurs cofondé son agence d’architecture intérieure Houle studio. Son prochain projet ? Des luminaires. L’artisanat peut aussi être l’antichambre de l’industrie…

Encourager la singularité des étudiants tout en veillant à maintenir les « fondamentaux » passe aussi par des « cours électifs » proposés tout au long du cursus (sociologie, philosophie, cultures des styles…) et par des workshops« transpromo » qui incitent les étudiants de différentes promotions à échanger sur leur futur métier : que peut l’architecture intérieure ? que peut le design ?

« Créer des ponts »

Camillo Bernal, 26 ans, Colombien, diplômé en 2021, grands-parents fermiers, parents biologistes, veut questionner les usages. Il choisit la Poule et le Poulailler. Ayant obtenu une bourse « Égalité des chances » grâce au programme des mécènes de l’École – 20 % des étudiants sont ainsi aidés –, Camillo conduit une impressionnante enquête sur cet animal familier à qui il veut redonner le statut d’animal domestique. « La poule est partout, dans nos fermes, dans nos assiettes, ses plumes dans nos coussins ; elle a été un symbole religieux, ambassadeur de guerre pour les Romains, et est aujourd’hui l’animal vivant sur Terre le plus proche des dinosaures, génétiquement parlant… ». Il expose en galeries, à Paris et à Copenhague, le nichoir, l’abreuvoir et la lampe chauffante inventés pour son Poulailler. Et, recruté par le Studio KO, il collabore à la création d’une collection de tabourets en terre cuite. « Je ne pouvais faire ce chemin qu’à Camondo ! Pour moi, l’architecte d’intérieur-designer doit créer des ponts. Un peu comme un alchimiste… ».

Créer des ponts avec le vivant, c’est aussi l’ambition de Solène Kuntz, 28 ans, cascadeuse équestre et scénographe. Pratiquant notamment le dessin et la photographie, la jeune artiste achève le mastère « Architecture et Scénographies » fondé en partenariat avec l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. « J’ai repris des études après avoir abandonné l’École des Arts déco en 3e année pour me professionnaliser dans le monde du cheval et du spectacle en Espagne, puis à l’Académie du spectacle équestre de Versailles. Grâce au mastère qui offre un large panorama touchant à la scénographie événementielle, d’exposition et de spectacle, j’appréhende l’espace scénique de manière à y fabriquer des récits poétiques. » Aujourd’hui, la jeune scénographe collabore avec la compagnie Jehol pour créer la scénographie de son prochain spectacle Prohibé qui interroge la place du vivant, et du cheval, dans nos vies quotidiennes.

Soucieuse également de préparer aux enjeux d’une société plus solidaire, l’École Camondo développe un axe de recherche autour de la santé et a récemment créé la chaire de recherche et d’enseignement Archides (Architecture, Design, Santé) en partenariat avec l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Charlotte Aubigeon, 24 ans, diplômée en 2021, qui travaille en free-lance pour l’agence RDAI, a ainsi consacré son projet de diplôme à la question de l’inclusion de personnes atteintes d’autisme dans les musées en proposant un remarquable parcours dirigé au sein du MAD. « L’essentiel, c’est de toujours travailler à l’échelle humaine. » Quel point commun entre tous ces jeunes Camondiens ? Être capable de réaliser une boutique ou un événement pour Dior comme un espace de « coliving » pour personnes âgées. En somme, s’attacher à penser le monde de demain.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : En pleine mutation, l’École Camondo se rêve « constellation »

Tous les articles dans Campus

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque