Après Paris, la Pinacothèque de Singapour ferme ses portes sans préavis

Par Marion Zipfel (Correspondante à Singapour) · lejournaldesarts.fr

Le 9 avril 2016 - 625 mots

SINGAPOUR [09.04.16] - Moins d’un an après son ouverture et deux mois après la fermeture de Paris, la Pinacothèque de Singapour, créée par Marc Restellini, ferme officiellement ses portes lundi 11 avril. Sur fond d’affaire Bouvier-Rybolovlev.

Le projet avait mis plus de 5 ans à aboutir et moins d’un an après son inauguration, le voilà déjà enterré. L’aventure de la Pinacothèque à Singapour remonte à 2008 lorsque le gouvernement singapourien soucieux de développer l’art à Singapour cherche à attirer des musées internationaux. C’est Yves Bouvier, l’homme d’affaires suisse qui lançait à l’époque son port franc dans la cité-Etat qui joue alors les entremetteurs entre le Français Marc Restellini, fondateur de la Pinacothèque et les autorités singapouriennes. Une société Art Heritage Singapore dont Yves Bouvier est l’un des actionnaires est créée pour gérer le musée. Marc Restellini a de grandes ambitions : rendre l’art accessible au plus grand nombre dans un pays encore peu sensibilisé à l’art. Mais pour la rentabilité économique, l’équipe d’Art Heritage Singapore mise sur le sponsoring et à l’organisation d’évènements.

La Pinacothèque est inaugurée en mai 2015 et en grandes pompes. Comment ne pas se féliciter en effet de l’ouverture du premier musée français à Singapour. La première exposition présentée est le « Le Mythe Cléopâtre » déjà montrée à Paris en 2014. Prix des billets d’entrée trop élevés, mauvaise communication, l’exposition est un flop et les salles du musée à peine inauguré restent désespérément vides. Très vite, la Pinacothèque de Singapour fait figure d’éléphant blanc.

A l’automne dernier alors que la Pinacothèque parisienne bat de l’aile, Marc Restellini martèle que l’antenne de Singapour est indépendante. Pour preuve, il lance dès le mois de janvier l’exposition « Pressionism » sur les graffitis présentée à Paris en mars 2015. L’exposition est programmée jusqu’en juin. Puis à l’annonce en février dernier de la fermeture de la Pinacothèque à Paris, Marc Restellini persiste et signe : « Les collections permanentes seront redéployées entre Singapour et les futures Pinacothèque de Paris que nous ouvrirons prochainement » expliquait-il dans les colonnes du quotidien La Croix.

Et pourtant, vendredi 8 avril, la presse singapourienne annonce la fermeture de la Pinacothèque à Singapour. Dans le Straits Times, le principal quotidien de l’île, Art Heritage Singapore met en cause Arthemisia Group, l’organisateur de l’exposition « le mythe de Cléopâtre ». Art Heritage group reproche à son partenaire d’avoir réalisé « une exposition de mauvaise qualité entraînant une faible vente de tickets ». Jointe par téléphone, Iole Siena, la présidente d’Arthemisia qui a travaillé avec Marc Restellini pendant 5 ans est scandalisée. « Cette exposition a rencontré un succès à Rome, à Paris et maintenant à Madrid explique Iole Siena. Pour Singapour nous l’avons conçue selon les exigences demandées par Marc Restellini pour s’adapter au public singapourien ». Mais Art Heritage Singapore n’a jamais réglé la facture de 435 000 euros. En septembre, Arthemisia intente un procès à Singapour contre Art Heritage Singapore. Le jugement devrait être rendu dans les prochains jours. « On apprend hier la fermeture du musée mais je redoute qu’ils annoncent ensuite la faillite de la société à Singapour pour ne jamais nous payer » s’inquiète la présidente de l’entreprise italienne.

« On trouve les prétextes qu’on peut » déplore un proche du dossier sous couvert d’anonymat invitant à cherchant la cause de cette fermeture davantage du côté de l’investisseur de la Pinacothèque Yves Bouvier au cœur d’un des scandales les plus retentissants du monde de l’art. Le 22 mars dernier, la Haute cour de justice de Singapour a rejeté la demande d'Yves Bouvier, de suspendre la poursuite civile déposée à Singapour contre lui par deux sociétés liées à l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev. Le procès devra donc se poursuivre à Singapour pour déterminer si Yves Bouvier agissait en tant qu’agent pour le milliardaire russe ou si les deux hommes avaient une simple relation d’acheteur-vendeur.

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Façade de la Singapore Pinacothèque de Paris, installé dans le Centre du Fort Canning © Singapore Pinacothèque de Paris

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