Règlements de comptes à la Fondation Barnes

Le conseil d’administration a contraint son président Richard H. Glanton à démissionner

Le Journal des Arts

Le 13 mars 1998 - 636 mots

Richard H. Glanton, président de la Fondation Barnes, vient de faire les frais de dix ans de controverses. Contesté pour sa politique de prêt des collections et pour sa propension à s’attirer des ennuis judiciaires, il a été contraint à la démission par le conseil d’administration.

NEW YORK (de notre correspondant) - Après presque dix ans d’une présidence controversée à la tête de la Fondation Barnes, Richard H. Glanton a dû quitter son poste  à la suite du vote du conseil d’administration. Il reste cependant membre du conseil, mais ne pourra plus imposer à la Fondation ses manières cavalières. Il semblerait que le conseil ait été agacé par le penchant qu’avait Richard Glanton à s’attirer des procès et à dépenser l’argent de la Fondation sans l’accord des trustees.
Kenneth M. Sadler, dentiste à Winston-Salem en Caroline du Nord, vient d’être nommé à sa place. Selon lui, malgré des années de collectes de fonds acharnées, la Fondation Barnes est aujourd’hui en déficit, en grande partie en raison de frais de justice colossaux. Certains avaient d’ailleurs cru, à tort, qu’ils étaient assurés par le philanthrope et collectionneur Walter Annenberg, ancien partisan de Richard Glanton. D’autre part, la Fon­dation n’a jamais nommé de directeur pour sa collection, ce qui sera sans doute l’une des priorités de la nouvelle politique.

Richard Glanton laisse le souvenir d’un avocat impétueux et ambitieux – et d’un Républicain “noir” de poids sur la scène politique –, dénué de culture artistique. Il a pris les rênes de la Fondation Barnes en 1990, et a immédiatement proposé de vendre des tableaux de la collection pour récolter quelque 200 millions de dollars (1,2 milliard de francs). Celle-ci compte près de 2 000 œuvres, en majeure partie postimpressionnistes, rassemblées par le Dr. Albert Barnes, décédé en 1951. Honni du monde de l’art, l’avocat a dû abandonner ses manœuvres, malgré le soutien de Walter Annenberg, et a alors proposé de présenter certains tableaux dans une exposition itinérante internationale pour financer la rénovation des bâtiments de la Fondation. Dans les deux cas, il violait les dispositions testamentaires du Dr.  Barnes, qui interdisaient toute vente ou prêt d’œuvres de la collection et stipulaient que quatre des cinq trustees devaient être nommés par la Lincoln University, en Pennsylvanie, dont Richard Glanton est encore conseiller juridique.

Des procès en série
Avec le soutien de J. Carter Brown, ancien directeur de la National Gallery of Art de Washington, Richard Glanton entretenait de nombreux contacts dans le monde de l’art. Ses avocats avaient obtenu d’un juge local qu’il autorise une exposition itinérante des tableaux de la Fondation Barnes, qui a voyagé à Washington, Paris, Tokyo, Philadelphie, Fort Worth, Toronto et Munich. Avec plus de 5 millions de visiteurs, cette exposition a généré quelque 18 millions de dollars (108 millions de francs) de recettes pour rénover les bâtiments de la Fondation, à Merion (Pennsylvanie). Le regain d’attention pour la Fondation qu’il avait provoqué lui a également attiré des procès, dont le coût provisoire est de 3 millions de dollars (18 millions de francs). Ainsi, la municipalité de Rome et des sociétés italiennes ont perdu celui qu’ils lui avaient intenté. Ils l’accusaient de ne pas avoir tenu ses engagements en envoyant l’exposition à la Haus der Kunst de Munich alors qu’il l’avait promise aux Musées capitolins. Puis, en 1993, Richard Glanton et son cabinet d’avocats ont été poursuivis pour harcèlement sexuel par un confrère avocat avec qui il avait eu une liaison. La Fondation Barnes a également été traînée en justice par des étudiants du cours de critique artistique.

Forcé par le vote du conseil de démissionner de son poste, Richard Glanton a diligenté une enquête sur les finances de la Lincoln University, dont le président était favorable à son éviction. L’an dernier, cette université lui a versé près de 250 000 dollars (1,5 million de francs) d’honoraires.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : Règlements de comptes à la Fondation Barnes

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