Commerce électronique

Menace Internet sur les enchères

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2005 - 576 mots

Avec près de 55 millions d’euros d’objets d’art vendus en ligne en 2004, eBay est un acteur majeur du marché.

PARIS - Selon le dernier rapport du Conseil des ventes, rendu public le 6 juin, le volume des biens culturels vendus aux enchères en ligne a approché en 2004 les 55 millions d’euros. Un seul acteur domine le marché : eBay. « eBay s’est ainsi propulsé à la deuxième place du marché des ventes publiques en France, entre Christie’s et Tajan », rapporte Antoine Beaussant, membre du Conseil des ventes, qui a dirigé cette étude sur le commerce d’art par voie électronique. Une montée en puissance qui inquiète aujourd’hui le marché de l’art. Selon Gérard Champin, président du Conseil des ventes, « il faut peut-être y voir une corrélation avec la chute considérable de 34 % des ventes d’objets de faible valeur chez les SVV [sociétés de ventes volontaires]. Le phénomène Internet est préoccupant compte tenu de la différence de traitement entre les SVV et les sites de courtage aux enchères par voie électronique, exempts de toute contrainte réglementaire ou fiscale. » En d’autres termes, eBay prend des parts de marché aux sociétés de vente dans le domaine des marchandises bas de gamme tout en n’étant pas soumis aux mêmes règles, relatives à l’agrément, à la qualification professionnelle, à l’expertise, à l’assurance et à la responsabilité vis-à-vis des acheteurs et des vendeurs. « Il s’agit à l’origine d’une tolérance dans l’application de la réglementation à l’égard d’un secteur émergent appelé “courtage aux enchères par voie électronique”. Mais on se demande si cette tolérance est encore de mise dans un marché aujourd’hui mature », relève Antoine Beaussant. Sur eBay, il appartient aux seuls internautes, acheteurs comme vendeurs, de s’évaluer entre eux. Est-ce efficace ? Sans recensement des éventuelles plaintes déposées, il n’y a pas de visibilité possible. On y observe pourtant une croissance élevée des secteurs « montres anciennes » – pour lequel le prix moyen est de 110 euros –, « livres anciens », « céramique », « monnaies et timbres », et surtout de la catégorie « art et antiquités » qui représente à elle seule 48 % du produit de vente de biens culturels sur eBay. Pour ne citer que quelques exemples, et en reprenant les intitulés parus sur le site et qui n’engagent que leurs auteurs, Le Retour du soldat, une huile sur toile signée Jean-Baptiste Greuze, s’est ainsi vendue 1 710 euros le 13 avril 2005 ; un tableau représentant un portrait de saint attribué à Léonard de Vinci a été acheté 4 210 euros le jour suivant ; une gouache de Sonia Delaunay a trouvé preneur à 1 015 euros le 26 mai et, pour un paysage impressionniste à l’huile sur carton signé Claude Monet, la mise à prix était de 15 000 euros le 17 mai. Le rapport du Conseil des ventes tire également la sonnette d’alarme sur le développement de nouveaux comportements sur Internet, c’est-à-dire la multiplication d’acteurs professionnels qui se sont installés sur eBay et exercent sur cette plate-forme électronique une activité quasi-exclusive sans être soumis aux mêmes règles que les marchands « classiques » (en termes notamment de TVA, d’imposition sur les bénéfices et de tenue d’un registre de police). eBay échappe enfin au droit de préemption des musées ainsi qu’au pouvoir disciplinaire du Conseil des ventes, tout en représentant le lieu idéal pour écouler les œuvres volées ou litigieuses. Le message est passé aux autorités concernées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°217 du 10 juin 2005, avec le titre suivant : Menace Internet sur les enchères

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