Suisse - Disparition

Léonard Gianadda le bâtisseur (1935-2023)

L’ancien promoteur immobilier a créé il y a près de cinquante ans la fondation d’art Pierre-Gianadda, qui rayonne aujourd’hui bien au-delà de la Suisse.

Martigny (Suisse). Ses détracteurs n’hésitaient pas à le qualifier de « lion », en référence à son caractère entier et bien trempé, ou de « bétonneur de Martigny ». Il est vrai que c’est dans l’activité de promoteur immobilier que l’ingénieur de formation avait fait fortune – la parenté de près de 1 400 appartements dans sa ville de cœur lui est attribuée. Mais c’est comme grand mécène et amoureux des arts que Léonard Gianadda restera dans la mémoire helvétique. Depuis le 4 décembre, au lendemain de son décès, les éloges ne tarissent pas et sont unanimes au sujet de la générosité de ce personnage haut en couleur, petit-fils d’immigré italien en perpétuelle quête de reconnaissance. « Le Valais perd un grand homme ! Il laisse à sa ville, à son canton et à son pays un énorme héritage avec notamment la création de la Fondation Gianadda », peut-on lire dans le communiqué officiel de l’État du Valais, tandis que la Ville de Martigny annonçait « perdre aujourd’hui l’une de ses figures les plus marquantes, un homme qui laisse une empreinte indélébile ».

À ses funérailles célébrées le 7 décembre, dans l’église de Martigny où le public se pressait nombreux, les hommages se sont succédé : des politiques valaisans aux conservateurs de musée en passant par le collectionneur zurichois et ancien conseiller fédéral Christoph Blocher, qui louait son « langage conforme à sa nature : direct, sans fard, déterminé », hommages aussi en musique avec la chanteuse lyrique Cecilia Bartoli, devenue une amie intime. Léonard Gianadda reposera aux côtés de son épouse Annette décédée en 2011 dans le parc de sculptures de la fondation, au pied de l’œuvre Love (1976) de Robert Indiana.

Un avenir incertain

Aux côtés de sa réalisation la plus célèbre, la fondation culturelle, inaugurée en 1976 en hommage à son frère Pierre et qui fêtait il y a quelques années ses 10 millions de visiteurs, l’entrepreneur avait créé en 2009 avec son épouse une fondation à caractère social. Un cinéma, un funérarium ou des rénovations d’églises valaisannes : le mécène était de tous les projets à Martigny et en Valais.

Avec le temps Léonard Gianadda s’était délaissé de sa fortune et de son patrimoine, au profit de ses deux fils et d’une fondation de mécénat culturel et sportif à son nom créée en 2019. Il disait ne plus posséder que deux tableaux (un Chagall et un Egon Schiele), ainsi qu’un appartement. Dans un entretien au magazine romand L’Illustré, dans lequel il se livrait plus que jamais, il avouait que « cela ne sert à rien de mourir riche ».

De quoi sera donc fait « l’après-Gianadda » ? Le mécène se montrait il y a quatre ans, dans le même entretien, lucide à ce sujet et jugeait la grande époque de la fondation révolue : « S’il n’y a plus de grands événements qui incitent les gens à venir, l’affluence chutera. […] Le public jeune se réduisant d’année en année, cela complique encore les choses. » Avec un budget annuel global de 8 millions de francs suisses [8,5 M € environ] (et des subventions publiques très limitées venant du Canton du Valais et de la commune de Martigny), la question de la pérennité de la prestigieuse Fondation Pierre Gianadda, pour laquelle le fondateur n’avait, semble-t-il, pas cherché de successeur, se pose aujourd’hui avec acuité. Pour l’heure, le programme 2024, qui débute avec une exposition consacrée au peintre suisse Albert Anker en février, est maintenu.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Léonard Gianadda le bâtisseur (1935-2023)

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