Le textile a la cote

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 19 mars 1999 - 522 mots

Des ventes publiques de textiles sont à nouveau organisées en France, après une éclipse de plusieurs décennies, principalement à Senlis par l’étude de Muizon, Le Coënt, qui a remis cette spécialité au goût du jour, mais aussi par trois commissaires-priseurs parisiens. Quelques décorateurs et antiquaires profitent de ces ventes, qui connaissent un certain succès, pour venir faire leurs emplettes.

Vincent de Muizon et Dominique Le Coënt, commissaires-priseurs à Senlis, ont relancé au début des années quatre-vingt-dix une spécialité – le textile – qui avait été quelque peu délaissée par les ventes publiques depuis la dispersion de la collection Besselièvre et les grandes vacations du début du siècle, en 1910, 1911 et 1912. “Depuis, les archives textiles se négociaient entre les maisons, qui se revendaient leurs fonds de commerce et leurs archives composées de coupons de soies, dessins imprimés et autres morceaux de tapis, explique Vincent de Muizon. Nous avons montré que nous pouvions obtenir des résultats exceptionnels – 4 à 5 millions de francs lors des dernières ventes – en organisant des ventes spécialisées. Vendeurs, décorateurs et éditeurs de textiles se sont intéressés à nous et sont venus de plus en plus nombreux à Senlis”. Les clients les plus actifs sont les éditeurs de textiles, qui achètent des pièces en vue de rééditer des modèles disparus. Les décorateurs, plus intéressés par les grands métrages que par les coupons, ne négligent cependant pas cette source d’approvisionnement. Des antiquaires tels Eugène Becker, Bernard Steinitz ou Ariane Dandois figurent également parmi les clients des commissaires-priseurs, ainsi que de nombreux collectionneurs venus des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Italie, mais aussi des États-Unis et d’Australie.

“Je ne pense pas que cela soit un phénomène de mode. C’est un juste retour des choses. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les textiles étaient très importants. Les tissus coûtaient jusqu’à dix fois plus cher que les bois utilisés pour les fauteuils.” En juin 1997, l’étude senlisienne a adjugé 450 000 francs – son plus haut prix – un lampas de 1773, une tenture de 193 x 79 cm commandée pour un palais de Catherine II de Russie. Le record reste cependant détenu par une tenture réalisée d’après un dessin de Dugourc, vendue 650 000 francs en 1996 par l’étude Ader.

Le succès de ces ventes a amené des concurrents à se positionner sur ce marché. L’étude Dumousset-Debureaux, d’abord : en juin 1998, elle a dispersé la collection Brocard qui a rapporté 3,7 millions de francs. Assistés de l’expert Aymeric de Villelume, ces commissaires-priseurs ont organisé une seconde vente en janvier dernier, suivis par l’étude Tajan quelques semaines plus tard. Claude Aguttes s’apprête à son tour à se lancer dans cette spécialité, avec le même expert, en montant une vente à Neuilly-sur-Seine le 15 avril.

“Nous avons déjà vendu à Alberto Pinto, Jacques Grange et Jacques Garcia, indique Aymeric de Villelume. Ce sont des achats ciblés qui ont lieu au coup par coup pour un ou deux lots. Des tapissiers décorateurs comme Tercelin de Joigny s’intéressent aussi à nos ventes, tout comme des antiquaires. Mais aujourd’hui, les décorateurs fonctionnent en flux tendu. Ils n’achètent que quand ils ont un besoin ponctuel pour un chantier.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Le textile a la cote

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