Le fabuleux destin du modernisme

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 29 mai 2008 - 562 mots

Perriand, Le Corbusier, Jeanneret, Prouvé, Charreau… Tous ambitionnaient de rendre l’utile et le beau accessibles à tous. S’ils ont été longtemps oubliés, leur cote aujourd’hui s’envole, tandis que les rééditions pleuvent. Mais le mobilier moderne supporte tous les paradoxes.

Née en 1929, l’Union des artistes modernes (UAM) s’inscrit dans une lame de fond qui parcourt l’Europe à partir des années 1920, à des degrés divers et avec des particularismes propres à chaque pays : le Mouvement moderne.
Ce dernier est, à sa manière, une sorte de « Nouvel Art nouveau ». On peut, en effet, rapprocher la philosophie de ce mouvement de celle qui se développa à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, en ce sens où il s’agissait aussi d’un « mouvement de rénovation des arts plastiques et appliqués », lequel prône la « synthèse des arts » et se caractérise, entre autres, par un « refus de l’historicisme », une « épuration des lignes et des formes », une « ornementation constitutive de l’objet et non plus plaquée ».
L’Art nouveau, rappelons-le, a d’ailleurs joué un rôle important dans les prémices de la modernité. Mais il faudra attendre, en France, la période « Art déco », nom générique issu de la fameuse Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris  de 1925, pour voir véritablement s’épanouir le Mouvement moderne. C’est à cette date, en effet, que s’affiche, en plein cœur de ladite exposition, l’un des symboles forts de la modernité en route : le pavillon de
l’Esprit nouveau, œuvre des architectes Le Corbusier et Pierre Jeanneret.

Nouvelles techniques, nouvelles formes
Au même moment, en Allemagne, le Bauhaus, alors dirigé par Walter Gropius, et, aux Pays-Bas, le mouvement De Stijl naviguent sur un cap similaire. D’un côté, Marcel Breuer imagine un mobilier minimal, fait de cuir noir et en équilibre sur des tubes de métal. De l’autre, Gerrit Rietveld dessine des meubles dans lesquels les détails disparaissent pour ne laisser subsister que l’essentiel. Toutes ressemblances avec un mouvement moderne existant ne sont évidemment pas fortuites.
Une nouvelle esthétique voit le jour, engendrée par les techniques nouvelles offertes par l’industrie et par l’utilisation de matériaux nouveaux. Elle fera florès au sein de l’UAM, d’abord en édition très limitée, voire en pièces uniques, puis, après-guerre, dans une production davantage sérielle.

Le Corbusier, Perriand, Prouvé, Jeanneret : le quarté gagnant
Aujourd’hui, c’est le mobilier des années 1950 qui a le vent en poupe. Parmi les membres de l’UAM, un quartet emporte la palme haut la main : Le Corbusier, Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret et Jean Prouvé. Leur popularité s’accroît depuis une décennie, grâce notamment au travail en profondeur des marchands parisiens Philippe Jousse, François Laffanour, Patrick Seguin et Éric Touchaleaume.
Dès la fin des années 1980, ces quatre mousquetaires du modernisme ont initié le public à ce mobilier novateur. En montrant que ses lignes sobres peuvent s’harmoniser sans heurt avec des œuvres d’art contemporain, ils ont fait d’une pierre deux coups, séduisant à la fois les amateurs de design et les collectionneurs d’art contemporain. Si bien qu’aujourd’hui, ces pièces intègrent les plus grandes collections à travers le monde : France, Japon, États-Unis, Italie, Grande-Bretagne, Australie…
Rien d’étonnant alors à ce que les prix du mobilier moderniste continuent de grimper en flèche dans les salles des ventes. Ériger des meubles conçus industriellement au rang de pièces de collection est assurément un métier  !

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Le fabuleux destin du modernisme

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