Justice

RUSSIE

La justice russe confisque une vaste collection de réalisme socialiste à un banquier

MOSCOU / RUSSIE

L’une des plus vastes collections de réalisme socialiste soviétique et le musée privé qui l’abrite sont menacés de démembrement à la suite de la faillite d’une banque privée liée au complexe militaro-industriel russe. 

Une salle d’exposition de l’Institut d’art réaliste russe en 2012. © Photo NadyaST
Une salle d’exposition de l’Institut d’art réaliste russe en 2012.
Photo NadyaST

Moscou. Le tribunal d’arbitrage de Moscou a ordonné le 31 mai la saisie des biens de deux banquiers. Les frères Dmitri et Alexeï Ananiev sont poursuivis par la banque PromSvyazBank, dont ils étaient les principaux actionnaires jusqu’en 2017. PromSvyazBank leur réclame la bagatelle de 282 milliards de roubles, soit 4 milliards d’euros. Contre toute attente, les deux frères, des orthodoxes pieux, n’ont pas été incarcérés et se sont encore moins enfuis à Londres. La mansuétude à leur égard laisse penser à des protections à un très haut niveau.

Toutefois, une grande partie de leurs biens tombent sous la coupe des huissiers. Parmi ces biens figure l’Institut d’art réaliste russe (connu sous l’acronyme russe « Irri »), un musée privé d’une surface de 4 500 m2 créé en 2011 par Alexeï Ananiev dans une fabrique de textile datant d’avant la révolution. Même si le réalisme socialiste est controversé du fait du monopole idéologique qu’il a exercé sur la création durant l’époque soviétique, il reste très prisé des collectionneurs russes et compte des défenseurs influents parmi les historiens de l’art. L’Irri passe pour un musée de très bonne facture, souvent présenté comme un modèle de musée privé en Russie. Il a été critiqué pour le nombre exagéré de vigiles équipés d’oreillettes dévisageant les visiteurs, et loué pour son ticket d’entrée très raisonnable (4 euros).

Ce qui ne fait pas débat, c’est que l’Irri comprend dans sa collection tous les grands noms du réalisme socialiste et une bonne partie de ses chefs-d’œuvre. Parmi les peintures les plus célèbres figurent les œuvres Par-dessus les champs de neige et En route de George Nissky ; Portrait de Clement Vorochilov dans son bureau d’Isaak Brodsky ; Athlète attachant un ruban d’Alexandre Deineka ; La Conférence de Téhéran et Clement Vorochilov et Maxime Gorki s’exerçant au tir à la Maison centrale de l’Armée rouge d’Alexandre Guerassimov. La valeur cumulée de ces œuvres se monte à plusieurs centaines de millions de roubles (soit plusieurs dizaines de millions d’euros) selon le site Artguide.com. Par-dessus les champs de neige de Nissky a ainsi été acquise par Alexeï Ananiev chez Sotheby’s pour 2,9 millions de dollars en 2015.

On ignore pour l’instant ce qu’il adviendra de l’Irri et de la collection de peintures. En principe, les créanciers d’Alexeï Ananiev et de son frère Dmitri (PromSvyazBank et la Banque centrale de Russie) peuvent vendre la collection dans des enchères publiques ou privées, ou encore transférer la collection à la Galerie Tretiakov, car bien des œuvres de la collection sont d’un niveau muséal. Le sort de l’Irri inquiète nombre de collectionneurs et ne manquera pas de susciter des débats dans les mois qui viennent.

Complément du 6 juin 2019

Depuis la publication de cet article, nous avons appris que l’Institut d’art réaliste était fermé pour une durée indéterminée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : La justice russe confisque une vaste collection de réalisme socialiste à un banquier

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