Spéculation

Acheter pour revendre

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 17 juillet 2007 - 654 mots

Un nouveau fonds d’investissement en art lancé par la Société générale compte lever entre 50 à 100”¯millions d’euros.

 PARIS - Quand le marché de l’art est au plus haut, les financiers sortent du bois. Depuis 2005, le lancement d’une trentaine de fonds d’investissement a été annoncé tambour battant. La plupart sont toutefois restés lettre morte. Aujourd’hui, c’est au tour de la Société générale d’initier le « SGAM AI Art Fund », basé au Luxembourg et géré par Olivier Maman, Sabrina Recoules et Xavier Fauquet. Avec un ticket d’entrée établi à 125 000 euros, le fonds a déjà levé 17 millions d’euros auprès d’une dizaine d’investisseurs. Il compte engranger sur deux ans entre 50 et 100 millions d’euros. Les rendements escomptés, de l’ordre de 15 à 20 % par an, sont proches de ceux générés par les « Private Equity » (1). « Monter un fonds d’investissement en art peut être dangereux pour une banque en termes d’image, admet Olivier Maman. On peut craindre les problèmes de faux, de moins-value, de réputation. » Comment se prémunir contre de tels risques dans un marché aussi peu régulé ? La banque a trouvé une parade : tous les achats s’effectueront en partenariat avec des marchands, lesquels mettront leurs deniers à hauteur de 30 à 50 % dans chaque acquisition. Les trois marchands européens qui ont d’ores et déjà accepté cette formule ne percevront pas de commission à l’achat, mais recevront un pourcentage à la revente. L’autre approche consisterait à coproduire des œuvres dont la propriété serait partagée entre les galeries et le fonds.
Prévus pour commencer dès octobre, les achats devraient se porter pour 40 % sur le postimpressionnisme, dans une même proportion sur l’art moderne et pour 20 % sur l’art contemporain. Les œuvres seront soumises au regard d’un comité artistique composé de Juan Manuel Bonet, ancien directeur du Musée Reina-Sofía à Madrid ; Hélène Kelmachter conservatrice au Museum of Arts & Design à New York ; Bernard Ceysson, galeriste et ancien directeur du Musée d’art moderne de Saint-Étienne ; Jean-Louis Froment, ancien capitaine du capcMusée d’art contemporain à Bordeaux ; et des collectionneurs Marc Robelin et Louis-Christophe Laurent. Ce conclave ne pourra toutefois pas refuser un achat qui se révèlerait pertinent sur le plan financier mais non artistique. Car l’art et le marché ne se rejoignent pas toujours.

Trop peu réactif
D’une durée de huit ans, le fonds pourra être prorogé de deux ans, les achats et les reventes s’effectuant à tout moment au cours de la période. Cette souplesse pourrait éviter à la Société générale les déboires du Fonds BNP Arts, plombé par la nécessité d’acheter les œuvres en un an, au plus haut du marché, pour les revendre à perte cinq ans plus tard. Restent de sérieux bémols. Les galeries refusant souvent de vendre aux acheteurs spéculatifs, le fonds peinera à accéder aux artistes branchés, à fortes plus-values à court terme. La procédure de validation auprès du comité artistique n’est pas non plus adaptée à la rapidité du marché. Faute de pouvoir réagir au quart de tour, le fonds risque de se faire souffler des opportunités intéressantes.

(1) compagnies privées non cotées.

La Société générale et l’art

Pendant longtemps, seuls les usagers des deux tours Société générale située à la Défense pouvaient entrevoir la collection de la banque. Jusqu’au 1er septembre, les visiteurs du Musée des beaux-arts de Nantes peuvent en découvrir des morceaux choisis. Un premier ensemble de 150 œuvres autour de l’abstraction a été formé en 1995 et 1996, à l’initiative du P.-D. G. de l’époque, Marc Viénot. Longtemps suspendus, les achats ont redémarré en 2004, au rythme de 10 à 15 pièces par an, moyennant un budget de 400 000 euros. Une trentaine de nouvelles œuvres, notamment de Zilvinas Kempinas, Imi Knöbel, Katarina Grosse ou Philippe Cognée, ont depuis rejoint la collection. La construction prochaine d’une troisième tour à la Défense devrait générer un programme artistique spécifique, avec une orientation possible vers les créateurs des pays émergents. À la différence du fonds d’investissement, cette collection, gérée par Angélique Aubert-Dubost, n’est pas destinée à être revendue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : Acheter pour revendre

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